Un hommage pour les 646 victimes d’un naufrage au large des côtes grecques

Mercredi 21 juin, devant le bassin du paradis, un hommage coordonné par La Margelle (maison d’accueil située à Calais dédiée aux hommes seuls) a été rendu vers 18 heures aux victimes du bateau coulé au large de la Grèce, le 14 juin dernier.


Plusieurs paroles citoyennes ou en situation d’exil se sont succédées devant une centaine de personnes. Ces voix furent celles de Bahah et Marianne (dont nous reproduisons les deux discours sous la vidéo).

Jean-Pierre Moussally, élu municipal EELV à la mairie de Calais, présent lors de la commémoration, profita du temps d’expression libre pour dénoncer le traitement des exilés par la France à Calais, et mettre les migrations dans le contexte historique de l’exploitation des ressources des pays du Sud par les pays du Nord, et les conséquences des changements climatiques causés par les pays du Nord sur les pays du Sud. L’élu écologiste mis ensuite en garde contre le mépris et le harcèlement subi par les personnes exilées : les dispositifs d’invisibilisation, d’arrêtés anti-distribution, ou de délogement tous les 2 jours créent les conditions du naufrage, rappelant ainsi le rôle que cette atmosphère de mépris a pu avoir sur l’attitude de certains personnels du CROSS mis en examen à la suite du naufrage du 24 novembre 2021 ayant causé 27 morts et 4 disparitions au large des côtes calaisiennes.

Reportage: Pierre MUYS

Discours de Bahah

« Nous exprimons nos condoléances ainsi qu’aux familles des victimes du douloureux naufrage et a toutes les familles des victimes de l’immigration clandestine.


Permettez moi de parler en mon nom propre et au nom des immigrés et en particulier des immigrés syriens. Aujourd’hui, nous sommes victimes dans nos propres pays, victimes dans les pays voisins de nos pays et victimes sur les routes migratoires à la recherche de la vie.

Je vais commencer par vous citer quelques statistiques. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), environ 1166 migrants sont morts cette année en Méditerranée et le nombre de morts est de disparus depuis 2014 a atteint 26 924 personnes. Plus de vingt mille d’entre-eux se sont noyées. Et il y a ceux qui sont morts pour d’autres raisons : les conditions environnementales, la violence, la maladie, le manque de soin, les accidents de voiture et les méthodes de transport dangereuses. Ce ne sont pas des chiffres, ce sont avant tout des êtres humains tués pour un péché qu’ils n’ont pas commis.


Nous assistons a une évolution spectaculaire de la migration illégale par voie maritime. En particulier de la Syrie vers l’Europe qui font des milliers de victimes chaque années. Nous, migrants en quête de vie, souffrons de conflits sanglants dans nos pays et risquons donc nos vies pour traverser la mer Méditerranée dans un voyage dangereux et incertain. Car la communauté internationale devrait sérieusement faire face a cette crise humanitaire qui s’aggrave.


Nous portons dans nos voyage en immigration clandestine, à travers la mer beaucoup de risques auxquels nous sommes confrontés. Nous sommes exploités par des trafiquants d’êtres humains qui veulent faire d’énormes profits. Nous payons beaucoup d’argent pour avoir des places dans des bateaux branlants et dangereux. Nous sommes entassés dans des conditions inhumaines a l’intérieur de ces bateaux, ce qui entraîne un manque de ventilation, de fournitures de bases et qui fait que beaucoup d’entre nous meurent avant tout de faim, de soif et du mauvais temps.


Vous vous embarquez pour un voyage ardu et périlleux à travers la haute mer. Nos bateaux coulent ou se brisent souvent, nous mettant en danger immédiat, et mettant nos vies en danger.
De plus, les forces de sécurité maritimes et les contrebandiers peuvent être un autre obstacle à la réussite de notre voyage. De nombreux rapports font état de cas d’abus, de tortures,  et d’exploitation auxquels nous sommes exposés de la part de ceux qui sont hostiles à l’immigration, ce qui ajoute à l’ampleur de la douleur et de la souffrance que nous subissons.

Après le sauvetage des survivants, nous sommes confrontés à de nouveaux défis sur les terres européennes. De nombreux pays souffrent d’une crise des réfugiés et de pressions migratoires, ce qui affecte considérablement la possibilité d’accueillir des réfugiés. Les Syriens sont confrontés à des procédures d’asile lentes et à des obstacles juridiques qui entravent notre quête de sécurité et de stabilité. Beaucoup de nos familles ont de la difficulté à se réunir ou à partager leur douleur avec les communautés dans lesquelles elles s’installent, ce qui les place dans un état d’isolement et de discrimination sociale.

Pour faire face à cette crise, les pays européens et la communauté internationale doivent travailler ensemble pour renforcer les mesures humanitaires et protéger nos droits en tant que réfugiés. La coopération entre les pays doit être renforcée et un soutien doit être apporté aux pays les plus touchés par la crise. Les responsables de notre immigration, les trafiquants d’êtres humains et les passeurs doivent également être tenus responsables, et l’exploitation et la violence à notre encontre doivent être empêchées. Nous devons pouvoir accéder aux procédures d’asile facilement et avec des normes humaines.

La communauté internationale doit comprendre que nous, les réfugiés, ne sommes pas seulement des chiffres statistiques, mais plutôt des individus qui souffrent à la suite de conflits, de guerres et de difficultés. Nous devons être traités avec compassion et humanité, et recevoir le soutien et la protection dont nous avons besoin pour soulager nos souffrances et reconstruire nos vies.

Nous sommes des êtres humains et des victimes d’autres êtres humains. Nous sommes en quête de sécurité et de dignité et nous méritons la solidarité de la communauté internationale. Des efforts doivent être faits pour fournir des mécanismes sûrs et légaux pour la migration et l’asile, et pour éliminer les conditions qui nous mettent en danger lorsque nous entreprenons ces dangereux voyages par mer.

Et voici une deuxième partie pour en parler rapidement : les pays européens sont confrontés à un défi majeur dans la gestion des flux de migrants et de réfugiés arrivant sur leurs terres. Dans un effort pour réduire le nombre d’arrivées, certains de ces pays imposent diverses restrictions, nous obligeant en tant qu’immigrants à recourir à des moyens illégaux et les trafiquants d’êtres humains étant l’un de ces moyens. Dans ce contexte, le rôle des pays européens dans la promotion de la traite des êtres humains peut être analysé.

Un obstacle courant est l’imposition de restrictions aux frontières et le durcissement des politiques d’immigration dans les pays européens, qui incluent des exigences restrictives en matière de visa et d’asile. Nous ne sommes pas en mesure de répondre à ces exigences sévères, ce qui nous pousse à rechercher d’autres solutions illégales pour atteindre l’Europe. Les gangs organisés et les trafiquants exploitent largement cette opportunité pour offrir nos services de contrebande en échange d’énormes sommes d’argent, augmentant ainsi le volume de la traite des êtres humains.

En outre, certains pays européens luttent activement contre l’immigration clandestine en intensifiant les patrouilles aux frontières, en développant les services de sécurité et en renforçant les barrières géographiques. Bien que ces efforts puissent être légitimes et viser à protéger la souveraineté nationale et à assurer la sécurité, ils peuvent également conduire à des voies plus dangereuses et peu sûres pour nous en tant que migrants et réfugiés, augmentant notre vulnérabilité à l’extorsion et à l’exploitation par les trafiquants d’êtres humains.

Les développements politiques et juridiques dans certains pays européens favorisent également la traite des êtres humains. Par exemple, certains pays peuvent imposer de sévères restrictions au droit d’asile et perturber les mécanismes internationaux de protection des migrants et des réfugiés. Ces politiques sévères obligent les migrants à s’appuyer sur les réseaux de traite des êtres humains pour leur sécurité et leur protection. Ainsi, des restrictions juridiques et politiques strictes jouent un rôle important dans la promotion de la traite des êtres humains et l’aggravation de ses conséquences négatives. Soulignons cela malgré l’existence de ces obstacles et le rôle des pays européens dans la promotion du commerce des êtres humains.

➔ Des voies sûres et légales pour la migration et l’asile doivent être fournies.
➔ Ces pays devraient également s’attaquer aux causes de la migration et aux conditions de vie dans les pays d’origine des migrants et des réfugiés, afin de réduire la nécessité de la traite des êtres humains comme moyen de survie et de recherche de la vie.

Enfin, je signale que nous devons poursuivre les racistes dans les pays voisins de nos pays contre les dirigeants racistes de certains partis qui mobilisent le peuple et le retournent contre nous en Turquie et au Liban. À la fin Je remercie tous ceux qui ont participé et contribué à notre soutien je vous remercie tous du fond du cœur Je ne demande pas à moi-même ou à vous des résultats rapides Mais nous devons essayer et continuer à essayer de faire passer notre message. Merci beaucoup.

Bahah

Discours de Marianne

Je prends la parole en mon nom, en tant que citoyenne française, européenne, ce drame a suscité une indignation, une colère, une profonde tristesse, il est important de rendre hommage collectivement aux familles proches, compagnons de routes des victimes du 14 juin. Il est important de rappeler le contexte du naufrage. Deux versions s’affrontent :

– Une enquête de la BBC, un chalutier à la dérive qui aurait besoin d’assistance l’enquête menée par la BBC contredit la version grecque. Grâce aux coordonnées GPS des autres navires présents dans la zone méditerranéenne, la BBC est arrivée à la conclusion que le bateau n’a pas bougé entre 18h et 21h, mardi 13 juin. Un premier chalutier – le Lucky Sailor – s’en est approché, sur ordre des garde-côtes grecs, à 18 heures pour lui fournir des vivres et de l’eau. Trois heures plus tard, c’est au même point de coordonnées maritimes qu’un second navire – le Faithfull Warrior – s’est rendu pour un autre ravitaillement.

– Les gardes côte grec, évoque de leur côté que le navire était à une vitesse constante en direction de l’Italie, les passagers n’auraient pas demandé d’aide. « Le bateau est parti le 9 de Tobrouk en Libye. Le navire a été localisé par Frontex le mardi 13 juin lorsque les autorités grecques en ont été informées. L’Alert Phone, une ligne d’urgence pour les migrants en danger en mer, a reçu un appel du navire. Il a été repéré la première fois à 11h00, À 15h35, le navire de pêche a été repéré par l’hélicoptère de la Garde côtière [grecque] naviguant à vitesse régulière », peut-on lire sur le communiqué du premier ministre grec, « jusqu’à 21 h00 lien téléphonique bateau, surveillance à distance, 24 nautiques marins – soit 44 km – depuis le moment où il a été repéré jusqu’à son naufrage. A aucun moment le navire a été immobile » d’après les gardes côtes grecs.

Vers 2 heures du matin, dans la nuit du mardi à mercredi, le bateau fera naufrage. Le bilan provisoire fait toujours état de 78 morts, et des centaines de disparus. D’après les quelques témoignages des survivants le bateau avait été tiré à trois reprises par les gardes côtes grec provoquant des secousses, personnes ne portrait de gilets de sauvetage. L’un des récits les plus difficiles du naufrage du bateau de pêche au large de la Grèce est celui d’un témoin vivant qui a déclaré avoir payé 10 euros à un passeur pour qu’il puisse rester sur le pont du bateau et non en dessous, pour respirer l’air frais. Et c’est ce qui lui a sauvé la vie. « Ceux qui étaient à l’intérieur n’ont pas eu le temps de sortir, a-t-il poursuivi. Ils ont coulé et sont descendu avec le bateau tout comme ma femme et mes enfants qui étaient dans la cabine. »

Les Chiffres selon le CNN, ainsi que divers médias internationaux :

  • 747 personnes à bord du bateau,
  • 78 mort.es, corps retrouvés.
  • 104 rescapé.es la moitié syrien.ne, une grande partie egyptienne (tous des hommes, originaires du Caire et des gouvernorats de Charqiya et Menoufia, dans la vallée du Nil), 12 pakistanais.
  • 567 disparu.es d’origine pakistanaise, une partie venant de la région du Cachemire.
  • 140 disparu.es d’origine Syrienne, région de Daraa où avait débuté la révolte contre le régime de Bachar al-Assad en 2011.

Aujourd’hui nous ne pouvons pas citer le nom des personnes qui nous ont quitté ce 14 Avril, la liste s’agrandit de jour en jour et certaines personnes ne sont toujours pas identifiées. Nous rendons hommages aux familles, proches, compagnons de route des victimes de ce drame survenu le 14 Juin 2023. Nous rejoignons les propos de Baha, chaque personne qui nous a quittés portait avec elle un avenir, des rêves, des espoirs.

Lors d’un événement organisé par le Parlement européen dans la capitale belge, Bruxelles, le 10 mai 2022, intitulé « SYRIZA MEP Stelios Kouloglou », le journal grec Forea a cité le témoignage du sauveteur des garde-côtes grecs, Eason Apostolopoulos, dans lequel il a dit: « Il y a dix jours, le chef de l’organisation Frontex, Fabrice Leggeri, a démissionné de son poste en raison de preuves sérieuses que Frontex a couvert les crimes commis par les garde-côtes grecs contre les réfugiés. Les garde-côtes grecs kidnappent les réfugiés qui atteignent les côtes grecques et International. Encore une fois, nous avons le seul garde-côte au monde qui, au lieu de secourir des personnes en mer, jette des personnes à la mer. Les autorités grecques kidnappent des réfugiés qui ont déjà atteint les côtes grecques et les renvoient vers le haute mer. C’est un phénomène unique que nous n’avons jamais vu auparavant. » Et il a ajouté dans son témoignage : « Ce qui se passe en Grèce, c’est que les réfugiés arrivent par eux-mêmes, de manière indépendante, sur les côtes grecques.», « Les autorités grecques ne les enregistrent pas, elles les gardent dans des endroits secrets, et elles confisquent leurs possessions, dont la plupart sont des téléphones portables et des passeports, après quoi ils sont emmenés sur des bateaux. ». Les garde-côtes les ont mis dans des bateaux pneumatiques sans moteur, et les ont finalement laissés en haute mer, sans nourriture, sans eau ou tout autre moyen d’appeler à l’aide car leurs téléphones ont été confisqués. « Ces personnes sont dans un état de désespoir, sans pouvoir appeler à l’aide », a-t-il ajouté. « Les migrants qui refusent d’embarquer sur ces bateaux sont souvent soumis à des mauvais traitements et à la torture. C’est l’Union européenne qui finance les criminels et les trafiquants d’êtres humains en Lybie », a-t-il conclu.

Jason a commenté l’incident du naufrage du navire Pylos sur Twitter: « C’est peut-être le plus grand naufrage de l’histoire moderne de la Grèce. Les garde-côtes connaissaient la veille l’état du bateau et ne les ont pas sauvé. Ceux qui ont laissé les gens se noyer doivent être arrêtés.« 

Le HCR et l’OIM appellent à des mesures concrètes suite à la dernière tragédie en Méditerranée, des mesures rapides et efficaces pour éviter d’autres décès en mer, suite à la récente tragédie en Méditerranée, la pire depuis plusieurs années.


Il semblerait que le bateau était en détresse depuis le matin du 13 juin. Une opération de recherche et de sauvetage à grande échelle a été lancée par les garde-côtes grecs le 14 juin au matin, après le chavirement de l’embarcation. L’obligation de secourir sans délai les personnes en détresse en mer est une règle fondamentale du droit maritime international. Les capitaines de navires et les États ont l’obligation de porter assistance aux personnes en détresse en mer, quels que soient leur nationalité, leur statut ou les circonstances dans lesquelles elles se trouvent, y compris lorsqu’elles sont à bord d’un navire qui n’est pas en état de naviguer, et quelles que soient les intentions des personnes à bord. Toute opération de recherche et de sauvetage doit être menée de façon à respecter l’obligation de prévenir les pertes en vies humaines en mer.

Le Haut Commissaire assistant du HCR en charge des questions de protection et le Directeur du département des situations d’urgence de l’OIM, nous rappelle l’importance de faire évoluer une politique migratoire et s’accordent sur la prise en compte de mesures concrètes immédiate sur les orientations suivantes :


➔ La Protection et la Sécurité
➔ Solidarité/ partage de responsabilité
➔ Coordination entre Etats européens

Le pacte asile et migration est actuellement en discussion au sein des instances européennes, il est de notre devoir de citoyens de porter la volonté d’une politique migratoire basée sur les orientations évoquées précédemment avec pour priorité la protection et sécurisation des personnes migrantes.


Marianne.