À Calais, les déchets s’accumulent sur les lieux de vie des personnes exilées

À Calais, les citoyennes et citoyens font le boulot de la communauté d’agglomération Grand Calais Terres et Mers. Celle-ci n’organise pas de collecte des déchets sur les lieux de vie des personnes exilées. Une absurdité sanitaire, environnementale et économique. Explications.

Face à l’inaction de l’agglo, les bénévoles ont décidé de ramasser eux-mêmes les déchets.

Dans une tribune publiée ce mois-ci dans le Calais Mag (journal municipal), l’élue citoyenne Louise Druelle expose le sujet. « Il est injuste de pointer du doigt celui qui laisse ses déchets à terre, quand il n’existe pas de dispositif permettant la collecte » dénonce-t-elle. Il n’y a en effet ni bacs, ni bennes, ni sacs disponibles autour des campements. Immanquablement, les déchets sont abandonnés et s’accumulent. Les conditions de vie des exilés, déjà dégradées, se détériorent encore : les rats traînent, les maladies circulent. L’environnement souffre aussi : les lieux de vie sont pollués de déchets que la météo disperse dans la nature.

Au moins 7,5 tonnes de déchets ramassés

Une grande collecte citoyenne était organisée ce samedi 4 février pour alerter la population et dénoncer l’inaction des pouvoirs publics. Plus de 80 personnes ont participé au ramassage sur quatre lieux de vie. Les chiffres sont saisissants : en seulement quelques heures, « a minima 7,5 tonnes » de déchets ont été collectés témoigne un participant, travailleur dans la gestion des déchets. Il nous explique que tout a été mis en sacs sur les voiries – 620 sacs au total – pour faciliter la collecte par les éboueurs. Il ajoute : « Il reste plus de 10 fois ça sur les lieux de vie, et ça continuera de s’accumuler tant que Grand Calais ne fera pas face à ses responsabilités. »

Malgré le travail des bénévoles, des tonnes de déchets polluent encore les sols autour de Calais.

C’est en effet la communauté d’agglomération Grand Calais Terres et Mers qui est responsable de la gestion des déchets sur le territoire. « Grand Calais doit mettre à disposition des exilés des moyens de pré-collecte : sacs, bacs ou colonnes d’apport volontaire. Et s’assurer que celles-ci soit collectées régulièrement » exhorte notre source.

Un choix politique qui coûte cher

Au-delà des graves problématiques sanitaires et environnementales, le choix de Grand Calais de ne pas collecter les déchets est économiquement absurde. Louise Druelle reprend la parole : « Saviez vous qu’une tonne de déchets abandonnés coûte 900€ à la collectivité contre environ 300€ si elle avait été jetée directement à la poubelle?« .

Pour mieux comprendre ces chiffres, nous rappelons notre source dans la gestion des déchets. Il nous explique que le coût moyen d’une tonne d’ordures ménagères (collecte, traitement et TGAP comprise) tourne entre 200 et 300 euros la tonne. En revanche, lorsque les déchets sont abandonnés, comme c’est le cas sur les lieux de vie des personnes exilées, des moyens supplémentaires doivent être déployés (agents, véhicules de propreté type balayeuse, moyens spécifiques pour nettoyer les cours d’eau…). Des moyens qui coûtent cher et qui font grimper le prix de la tonne d’ordures ménagères : entre 600 et 900 euros la tonne (rapport 2019 de l’ADEME, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

Plus de 80 personnes se sont réparties sur quatre lieux de vie pour ramasser les déchets.

Aberration économique donc, de la part de Grand Calais qui aurait à gagner financièrement en organisant la collecte des déchets sur les lieux de vie. « Ce défaut de collecte se répercute financièrement sur tous les Calaisien·e·s » commente l’élue municipale Louise Druelle. Aberration écologique, aussi : les déchets abandonnés, lorsqu’ils sont enfin ramassés, ne sont ni triés ni recyclés, il sont directement incinérés ou enfouis.

Tous perdants

Dans cette histoire, il n’y a que des perdants. En premier lieu, les personnes exilées qui vivent à même ces conditions indignes. Mais aussi la population calaisienne qui assiste, impuissante, à la détérioration de son environnement (et qui en paie – à proprement parler – les conséquences). Sur ce sujet, il semble bien que les Calaisiennes, les Calaisiens et les exilés partagent un intérêt commun : celui d’une action urgente et à la hauteur de la communauté d’agglomération Grand Calais Terres et Mers qui, elle aussi, est en train de perdre.

Valentin D.