Commémoration pour les 5 premiers exilés morts en 2024

« À la mémoire d’Abadeh, 14 ans.
De Mohamed, 16 ans.
D’Ayham, 24 ans.
D’Aysar, 26 ans.
Et d’une cinquième personne à l’identité encore inconnue.

Dans la nuit de samedi à dimanche, cinq personnes se sont noyées à la frontière franco-britannique, au large de Wimereux. Ils étaient Syriens, ils fuyaient la guerre et la conscription forcée. Ils avaient l’espoir de reconstruire leur vie en Angleterre, une vie stable dans un pays en paix. Ils étaient jeunes, certains n’étaient encore que des enfants. Un enfant de 14 ans est mort dans les eaux glaciales de la Manche une nuit de janvier, est-ce que vous comprenez ? Je le répète, mais j’ai du mal à réaliser : mon cerveau ne veut pas, de peur de voir exploser mon cœur. Des enfants ! Alors hier soir, comme à chaque fois, on s’est réuni.e.s en silence. Pour que ces morts ne passent pas inaperçues. Une minute de silence mais une minute agitée, pleine de la colère qui tonne dans nos têtes. Une minute de silence pour ne pas se taire.

Quelqu’un a pris la parole et a dit : « Tout le monde a le droit de vouloir une vie meilleure ».

Une autre a ajouté : « Autant de morts, ce sont des crimes, ce sont des meurtres. Et les responsables, contrairement à ce que répètent les politiciens locaux et nationaux, ce ne sont pas les passeurs. Cette fixation sur les passeurs n’est que le symptôme de l’incapacité de nos dirigeants à assumer les conséquences de leurs politiques mortifères aux frontières ».

Et en effet, si ces gens ont décidé de prendre la mer, ce n’est pas parce qu’une poignée d’opportunistes mafieux le leur proposaient. S’ils ont pris ce risque insensé, c’est parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix : rejetés par la France, harcelés par ses policiers, aucun moyen sûr et légal ne leur était proposé pour traverser la frontière et enfin s‘établir, se rétablir. Alors, comment faire autrement ?

Il y avait du vent. Des gens se sont assis à terre pour retenir la longue liste des noms des 397 personnes décédées ici depuis 1999. Retenir.

Une troisième personne, enfin, a conclut : « Il faut agir. Comment faire pour dépasser notre sidération ? Je ne sais pas ».

Il faut. Je ne sais pas. Il faut. Je ne sais pas. Il faut. Je ne sais pas. « 

Un texte de Julia Druelle
Un film de Pierre Muys