Synthexim : la CGT appelle les riverain·es à se constituer en association

Les représentants de l’union locale de la CGT donnaient une conférence de presse le 30 octobre pour livrer les dessous de la commission de suivi de site (CSS) du 9 octobre. Ils décrivent une situation dangereuse qui n’évolue pas, dénoncent un « patron-pirate » et invitent les habitants à se réunir au sein d’une association.

Depuis la très inquiétante réunion publique de début septembre, peu d’informations sont communiquées sur le travail de mise en sécurité de l’ancien site Seveso Synthexim. On aurait presque pu dire aucune si la préfecture n’avait pas publié la semaine dernière un laconique communiqué de presse relatif à la Commission de Suivi de Site (CSS) du 9 octobre dernier. Un point de situation usant du conditionnel et de formules velléitaires qui ne s’embarrasse d’aucun chiffre, d’aucune échéance quant à la débâcle en cours. Exceptés quelque produits identifiés au compte goutte, rien ne sort de l’enceinte de l’usine, ni estimation de date de fin d’inventaire, ni de fin de sécurisation du site, ni de données approximatives sur le volume de déchets non identifiés restant encore à traiter.

La dernière commission de suivi de site a eu lieu le 9 octobre dernier, aucun.e représentant.e des riverains ne fut convié.e, aucune association environnementale ne fut invitée. Il s’agira pour chacune des personnes vivant à l’intérieur des 20 kilomètres de périmètre autour de Synthexim d’attendre patiemment un compte rendu qui arrivera « prochainement » comme le précise le communiqué de la préfecture. Pour information, le dernier compte rendu de CSS à avoir été rendu publique remonte à octobre 2021.

Eric Lhirondelle et Patrick Salingue – respectivement secrétaire de L’union locale CGT Calais et salarié retraité de Calaire Chimie (entreprise rachetée en 2013 par Axyntis et devenue Synthexim) – furent mandatés pour assister à cette commission. Et c’est en tant que témoins qu’ils se sont présentés à leur conférence de presse du lundi 30 octobre dernier.

« Ce qui nous importe dans l’immédiat, c’est qu’on va au devant d’un scandale qui risque d’être, outre économique – ce qui à la rigueur serait le moins compliqué, le moins difficile – on va peut être aux devants d’un scandale qui va être également sanitaire et peut-être demain humanitaire. »

Eric Lhirondelle, secrétaire UL CGT

La situation est en effet très préoccupante. A ce jour, 1800 tonnes de déchets inflammables et toxiques sont encore disséminés sur les 24 hectares du site. Des produits consignés dans des containers dégradés, et pour beaucoup d’entre eux sans étiquettes.

« Il y avait 69 tonnes encore présentes sur le site de cyanure de sodium. Il y avait 386 kilos de brome et quinze tonnes d’amphétamines et assimilés. [ces produits ont été retiré du site entre septembre et octobre]. Et on nous annonce que ceci fait partie de produits qui restent encore sur le site à hauteur de 1900 tonnes. Donc, quand on fait le calcul des 69 tonnes de cyanure, des 386 kilos de brome et des 15 tonnes d’amphétamines, il ne faut pas sortir de maths sup pour savoir que le compte n’y est pas. »

Eric Lhirondelle, secrétaire UL CGT

Devant ce voile opaque, la CGT appelle les citoyennes et citoyens du calaisis à se constituer le plus rapidement possible en association.

« On a des craintes pour la population et on l’invite sérieusement à se constituer en association pour demander plus de transparence et peut-être aussi pour pointer les responsabilités et demain – ce n’est pas souhaité – mais demain, peut être pour aussi demander réparations. »

Eric Lhirondelle, secrétaire UL CGT


Les syndicalistes semblent rejeter toutes les fautes concernant l’état actuel du site sur l’ancien « patron-pirate » de Synthexim, David Simonet. Tant est si bien qu’ils n’ont rien à reprocher aux services de l’État, ils réclament néanmoins que l’argent public distribué aux industriels les soumette à beaucoup plus de réglementations, et contreparties.


Revendications de l’union locale CGT Calais :

  • Que L’État prenne la main sur le dossier et ne le laisse plus à la seule charge des préfectures et sous-préfectures.
  • Que ce soit au groupe industriel – Axyntis – de prendre la responsabilité et les fonds de garanties du site et non plus seulement à la filiale opérante (Synthexim).
  • Que le personnel licencié proche de la retraite soit rappelé pour assurer la sécurité et l’entretien du site jusqu’à sa réhabilitation.
  • Que l’argent public distribué aux industriels soit soumis à beaucoup plus de réglementations et contreparties.

La conférence de presse
– Mot pour mot


ERIC LHIRONDELLE

Notre rôle, c’est aussi d’être des lanceurs d’alerte. Et on n’a pas voulu, connaissant une situation, on n’a pas voulu garder ça secret. Comme j’ai l’impression que la plupart des gens, ça les embarrasse, ceux qu’on a pu rencontrer. Et nous, on n’est pas dans cet état d’esprit là. On a des craintes pour la population, je pense, et on l’invite sérieusement à se constituer en association pour demander plus de transparence et peut être aussi pour pointer les responsabilités, et demain – c’est pas souhaité – Mais demain, peut-être pour aussi demander réparation.
Ce qui nous importe dans l’immédiat, c’est qu’on va au devant d’un scandale qui risque d’être, outre économique – ce qui à la rigueur serait le moins compliqué, le moins difficile – on va peut être aux devants d’un scandale qui va être également sanitaire et peut-être demain humanitaire.

Le 9 octobre, nous avons été invités, donc Patrick et moi, nous avons été mandatés par la CGT pour assister à la réunion du comité de suivi du site Seveso haut du Calaisis. Des sites Seveso, du Calaisis et donc nous nous sommes rendus à l’invitation et on a découvert certaines choses. Je dois avouer que si on n’y avait pas été, ça aurait été bouclé peut-être en un quart d’heure, compte tenu que nous avons été les seuls à poser des questions et à intervenir. Donc, on nous a présenté un petit résumé de la situation. Ça a été très rapide en cinq minutes et pendant ces cinq minutes, on a appris qu’au niveau déjà des produits comme ça vous a d’ailleurs été indiqué d’ailleurs dans le communiqué de presse, des produits sont déjà sortis. Mais quand on a le détail… Je vais vous donner non seulement ce que ça représente, mais également le type de produits.
Il y avait 69 tonnes encore présentes sur le site de cyanure de sodium. Il y avait 386 kilos de brome et quinze tonnes d’amphétamines et assimilés. Et on nous annonce que ceci fait partie de produits qui restent encore sur le site à hauteur de 1900 tonnes. Donc, quand on fait le calcul des 69 tonnes de cyanure, des 386 kilos de brome et de quinze tonnes d’amphétamines, il ne faut pas sortir de maths sup pour savoir que le compte n’y est pas.
Donc on a posé la question. Les 1800 tonnes qui restent, en gros, qu’est ce que c’est ? Et là, on nous a répondu que c’étaient des produits divers, des acides. Certains acides, certains solvants… Des produits aussi, qui étaient indéterminés parce que sur certains fûts, il n’y avait aucune indication. Donc pour les services de l’État, c’est assez compliqué de pouvoir savoir ce qu’il y avait dedans, donc il faut le déterminer.
On a posé la question au liquidateur à savoir si, dans le cadre du transfert entre l’exploitant et le liquidateur sur un site tel que celui là, avec autant normalement de normes de sécurité, il aurait dû y avoir un transfert de documents. Ne serait ce qu’un inventaire. Or, il y a un inventaire, il n’est pas complet puisque il y a 1800 tonnes où on nous dit que ça peut être des acides. Concernant ces acides, il faut savoir que les incidents qui ont eu lieu au mois d’août sont de ce fait. C’est qu’il y a aussi au mois d’août, je ne sais pas si vous vous souvenez, il y a eu à peu près quinze jours d’intempéries et il y a eu une réaction chimique sur certains de ces produits.
On a posé la question s’il y avait danger. Ils ont essayé de nous rassurer un peu, mais bon, sans vraiment convaincre. Au point que même la sous préfète, à un moment, s’est aperçu que forcément, il y avait quelque chose qui inquiétait et elle nous a dit à l’assemblée qu’il allait falloir essayer de travailler un peu plus profondément pour savoir quels types de produits il restait et envisager le scénario du pire, c’est à dire un protocole d’évacuation de la population. Vous comprenez que cette déclaration de la sous-préfète – que je sais qui a à cœur de s’inquiéter pour la population – et elle subit, elle subit. Egalement elle est tenue aussi par un devoir de réserve. Et je pense que les services de l’Etat font tout leur possible. Je pense que c’est pas sur eux qu’il faut mettre l’accent et les responsabilités aujourd’hui. Je pense qu’ils font en fonction de leurs possibilités. Ils font tout ce qu’il faut pour essayer d’avancer, de faire avancer les choses.

PATRICK SALINGUE

On apprend aussi qu’il y a eu une coupure de courant général sur le site, parce que c’était pas EDF ou Enedis qui suivait, qui avait le contrat d’électricité, c’était un autre truc, un genre low cost, donc ils avaient coupé complètement le courant. Donc qui dit coupure de courant d’un site… Il n’y a plus l’inertage des cuves qui sont en état. D‘autant qu’ils ont appelé EDF, EDF qu’est-ce qu’il vient faire? Il ne fait que la remise au niveau de la livraison.
Et aussi c’est un gros problème… C’est pour ça qu’ils avaient demandé… C’était prévu dans le plan de liquidation par rapport au liquidateur au tribunal de commerce d’Orléans, c’est à dire qu’il était prévu de garder des salariés pour justement assurer les gars que ça faisait 30 ans, qu’ils sont là, ou 25 ans… qui connaissaient les produits pour assurer une certaine protection du site. C’est-à-dire, un site Seveso, on le laisse pas à l’abandon. Et ce qu’il y a, c’est juste deux personnes qui travaillent pour… C’est des gardiens quoi… Ils ne sont pas habilités à entrer donc la question qui a été posée c’est qui est-ce qui est entré dans les postes à l’intérieur pour alimenter le courant ? Dernièrement, j’ai su aussi, ça a été marqué dans la presse, qu’il y avait d’énormes problèmes sur les compresseurs d’air…
Donc tout le réseau d’air, est-ce qu’il est remis en service, on n’en sait rien. On ne sait pas qui est-ce qui interviennent sur le site réellement. Donc question d’habilitation pour les postes. Bien sûr, EDF ne rentre pas à l’intérieur fait sa livraison, donc ils ont reprit le truc, ils ont livré le courant pour alimenter, à l’intérieur je ne sais pas qui est-ce qui est intervenu électriquement. Ca on l’a pas su… Et voilà le problème… Donc est ce ce qu’il n’y a pas eu des dégâts suite à cette coupure ? Parce que moi j’ai expliqué que quand on travaillait nous chez Calaire, à l’époque, on était même gêné quand il y a eu des orages assez importants sur le Calaisis, tous les installations intérieures tombaient. Donc nous, les services électriques, on était habilité pour entrer dans les postes pour armer tous les différents ateliers. Donc ça prenait à peur près une heure.

ERIC LHIRONDELLE

Savoir que c’est une entreprise privée qui est d’ailleurs assez proche de la municipalité qui a repris le gardiennage du site mais qui n’a pas l’habilitation pour pouvoir intervenir sur ce genre de site. Il y a quinze jours, on a fait le tour avec Patrick. On est passé côté voie ferrée, derrière l’usine, côté voie ferrée. Si vous y passez, il y a un bosquet où c’est assez facile. Et puis aussi des grillages où il est très facile de passer par dessus… Une porte qui est fermée avec une ficelle, enfin avec une corde… tout ça, tout ça sur un site Seveso haut, donc ça manque quand même sérieusement de surveillance et de professionnalisme.
À notre sens, c’est peut être pas un patron voyou, mais c’est un patron pirate dans le sens où c’est quelqu’un qui a abordé cette entreprise, qui l’a pillé. Et il suffit de se rendre sur le site d’Axyntis pour s’en rendre compte puisque sur la carte des entreprises du groupe Axyntis, forcément Synthexim a disparu. Par contre, on fait bien référence à l’apport de l’usine Calaire Chimie qui avait été rachetée en 2013.
Pour sa technologie, certainement pour ses brevets et son savoir faire… Donc ce qu’on pense c’est qu’il a abordé effectivement l’usine pour récupérer tout ça, qu’il n’a jamais eu l’intention de la développer, qu’il l’a pillée et quand il l’a bien pillé, il n’a fait que de la saborder. Et aujourd’hui sa responsabilité, là où c’est ou c’est douteux ou c’est pas forcément illégal, c’est pas forcément illégal, mais douteux, c’est que, même si il y a les fonds de garantie qui ont été mis en place pour la mise en sécurité ils représentent une somme dérisoire puisque c’est 800 000 € pour un site de 24 hectares. Donc le reste à charge, encore une fois, ça va peser certainement sur le contribuable, sachant que ça va se mesurer à plusieurs dizaines de millions d’euros. Il est parti en laissant à la charge des Calaisiens la merde qu’il a foutu. Excusez moi l’expression.
Je ne veux pas faire le complotiste mais Monsieur Simonnet, c’est pas qu’un chef d’entreprise, c’est aussi un homme politique qui s’est présenté aux législatives sous la bannière du président de la République. C’est quelqu’un qui a ses entrées à l’Elysée. Donc est-ce que derrière, il n’y a pas aussi une volonté d’essayer de ne pas trop faire de bruit autour de ça ? Moi, je préfère vraiment… Si on peut faire les choses avec des associations, avec nous, on viendra de toute manière appuyer. Il va falloir qu’on secoue tout ça et c’est pour ça qu’on a fait appel à certains, à certains politiques. Il y a une déclaration assez intéressante du PDG d’Interor d’ailleurs sur le sujet, qui nous dit : “Aujourd’hui ce site là, on ne peut plus rien en faire, faut pas se faire d’illusions, il n’y aura plus jamais d’usine chimique à cet endroit là. Le site est devenu trop pourri.” Ça veut bien dire l’état de délabrement dans lequel on a laissé ce site industriel. Il a dit ça lors de la réunion du comité de suivi, le 9 octobre.
On sait qu’il y a eu une plainte de madame le maire, mais ce n’est pas suffisant pour nous.Et madame Le maire a déposé cette plainte contre X une semaine après la réunion publique. Donc elle savait que les riverains étaient très inquiets et très en colère aussi parce qu’il y avait de la colère dans ce qu’ils disaient. Elle, elle pointe peut-être le directeur, peut-être le groupe, les services de l’Etat… Parce qu’elle nous dit que les services de l’Etat peut être que quand il étaient au courant de la situation, ils auraient dû faire peut-être arrêter le site. Sauf qu’un site Seveso haut est plus dangereux arrêté qu’en activité. Ils ont été très prudents, les services de l’Etat, quand ils se sont aperçus qu’il y avait un qui avait des anomalies de fonctionnement et de sécurité sur le site. Ils ont continué de le suivre. Il y avait eu, il y a eu plus de 45 visites et une vingtaine de… de mises en demeure.
Donc ils ont fait… Pour nous, ils font avec ce qu’ils ont. Il y a un cadre. Ils sont tenus par un cadre juridique. Ils sont tenus aussi par les moyens qui sont à leur disposition. Et je pense que s’il faut pointer des responsabilités, ce n’est pas, c’est pas trop de ce côté là qu’il faut aller les chercher.
Lorsque, je crois que c’est France 3 qui m’a téléphoné tout à l’heure, je sortais du bureau du député Dumont. Donc je lui ai remis officiellement nos réflexions sur le sujet et également une demande d’intervention auprès de l’État. Nous l’avons fait aussi auprès du député Fabien Roussel qui, lui, va saisir la Première ministre, et auprès de la sénatrice Cathy Apourceau qui va saisir le ministre de l’Environnement.
Au delà du local et régional, il faut que l’Etat, à un échelon supérieur, prenne les choses en main. C’est la première chose qu’on demande. C’est pour ça qu’on est intervenu auprès de députés, de parlementaires. Ça, c’est le premier point.
Le second point, ce qu’on demande – parce que ça aussi… Il n’y a pas de loi vraiment contraignante.
Même si après à AZF on a voulu mettre un peu plus de responsabilités sur les entreprises, il reste néanmoins qu’il y a des possibilités aujourd’hui pour certains chefs d’entreprises de partir dans l’immoralité. Et – comme c’est le cas de M. Simonet – de se dégager de responsabilités. Lui, il dit qu’il est dans les clous parce qu’il a versé un fonds de garantie de 800 000 €.
Sauf que ce n’est pas suffisant pour un site Seveso haut de 24 hectares, ce n’est pas suffisant. Nous, on demande que ça soit aujourd’hui, que les responsabilités et les fonds de garantie soient jugés au niveau du groupe et non pas d’une entreprise. Il faut savoir que là, c’est pour Synthexim. Mais le groupe, lui, il n’est pas impacté.
Donc on demande que ça se fasse au niveau du groupe.
On demande également que toutes les subventions, et donc l’argent public, soient soumis à beaucoup plus de réglementations et avec des contreparties. Aujourd’hui, madame Bouchart le dit elle-même, il y a de l’argent, et y compris de l’argent de l’agglomération apparemment, qui a été versé à Monsieur Simonet pour Synthexim.
Et elle même, elle reconnaît qu’elle ne sait pas du tout ce qu’on a fait avec l’argent. Mais en tout cas, ça n’a pas été utilisé pour le site de Calais. Donc on demande beaucoup plus de contrôles où l’on demande à ce qu’une loi soit beaucoup plus contraignante pour les employeurs, enfin, pour les entreprises.
Et on demande aussi que le personnel, on pense surtout au personnel qui n’était pas loin de la retraite, soit rappelé pour l’entretien du site jusqu’à sa réhabilitation.
C’est quand même aberrant. Un site, on répète, Seveso haut au laissé comme ça, avec une sécurité qui laisse à désirer.

PATRICK SALINGUE

Ben y en a plus!

ERIC LHIRONDELLE

Je suis gentil… parce qu’il y en a un peu, mais bon… C’est pour ça qu’il y a une inquiétude.
C’est pour ça qu’on veut essayer de réveiller un peu tout le monde. C’est pas pour faire le buzz, mais on est vraiment inquiets. Je rappelle que le périmètre de sécurité, c’est 20 kilomètres autour du site avec la centrale nucléaire dedans et j’invite même les maires des communes environnantes à ce saisir aussi du sujet et demander des comptes. Parce qu’ils seront forcément impactés.