Plus de 150 personnes rassemblées pour l’abolition des CRA

 

Reportage sur la manifestation antiCRA de Calais

Le 10 mars 2023, le Président Emmanuel Macron et son homologue britannique le Premier Ministre Rishi Sunak annoncent lors du dernier sommet franco-britannique la construction d’un nouveau Centre de Rétention Administrative dans la région, ainsi qu’un chèque britannique de 541 millions d’euros donné à la France d’ici 2026 pour renforcer l’imperméabilité de sa frontière. 

Six mois plus tard, le collectif Anti-CRA organise une manifestation dans le centre ville de Calais. Afin de contester la construction de ce nouveau Centre de Rétention Administrative sur le littoral, mais aussi pour dénoncer la situation des personnes enfermées dans les CRA déjà existants.

Pour rappel, les CRA sont des établissements où l’État enferme les exilé.es en raison d’un séjour qualifié d’irrégulier (absence de visa, notification d’OQTF) en attendant soit une expulsion à destination du pays d’origine (ou du premier pays dans lequel ils sont entrés en Europe) soit une rarissime régularisation de situation concédée par la justice (acceptation d’une demande d’asile). Actuellement il en existe 25 au total en France, dont 4 en outre-mer. 

Les manifestant·es partent à 15 heures de la place Crèvecoeur, accompagné·es de la fanfare Rythms Of Resistance. Le cortège parcourt le centre-ville en scandant les slogans antifascistes. Devant la mairie, deux activistes, l’un français, l’autre anglaise prennent le micro pour dénoncer les condition de vie inhumaines à l’intérieur des CRA :

“En mars 2023, les États français et britannique ont annoncé l’ouverture prochaine d’un nouveau centre de rétention administrative (CRA) sur le littoral nord de la France, financé par le Royaume-Uni.

Les CRA sont des prisons où l’État français enferme les personnes qui n’ont pas les « bons papiers » dans l’attente de leur expulsion du pays. Il en existe déjà plusieurs dizaines dans toute la France, dont un à Coquelles, à côté de Calais. Les violences et mauvais traitements contre les prisonnier-es y sont quotidiens.

Ce nouveau projet s’inscrit dans les logiques racistes et sécuritaires de la France et du Royaume-uni, comme de l’ensemble des pays européens, qui dépensent des milliards d’euros dans la militarisation des frontières, le flicage et le harcèlement des personnes exilées.

Alors que la majorité des habitant-es de la région souffrent, comme les personnes exilé-es, d’une grande précarité, il est temps de mettre un terme aux politiques d’enfermement et de déportations. En plus d’être cruelles et inhumaines, ces politiques sont coûteuses et inefficaces : en dépit de tous les mauvais traitements qu’elles subissent ici, les personnes exilé-es continuent de venir pour fuir pauvreté et les conflits, dont les États occidentaux sont souvent en grande partie responsables.

Nous appelons à multiplier les initiatives pour empêcher, par tous les moyens nécessaires, l’ouverture de ce nouveau CRA, ou tout autre lieu de ce type partout sur le territoire, ainsi qu’à pousser à la fermeture de ceux déjà existants.

LIBERTÉ POUR TOUTES ET TOUS !

Abolition des frontières et des prisons !”

Communiqué lu lors de la manifestation AntiCRA du 17 septembre 2023

Tout au long de la manifestation différentes banderoles défilent : des pancartes et slogans dénonçant les frontières, des grandes bâches peintes pour demander la fermeture des prisons, ou dénoncer les politiques publiques et leurs dispositifs répressifs et mortifères à l’encontre des personnes “étrangères”.

Sur une banderole on peut lire: « Liberté Paix et Justice », en arabe. 

La marche prend le boulevard Jacquard puis s’engouffre dans la rue des quatre coins sous les fenêtres et regards de riverains surpris de voir passer ce drôle de cortège. Puis la rue du 11 novembre et l’avenue Wilson jusqu’à prendre le rond-point de la mairie où une heure durant témoignèrent par téléphone sur enceintes des personnes enfermées entre les quatre murs d’enceinte du centre de rétention de Coquelles. Des voix qu’on n’écoute pas, réclamant justice sur un rond-point. S’il n’y là aucun gilet jaune, c’est pourtant tout un symbole.

A l’autre bout du fil, la voix des personnes incarcérées résonnent jusqu’à l’hôtel de ville. Elles portent et racontent le malheur et l’indignité, comment l’État français administre et encadre le manque de nourriture, l’absence d’intimité, la rétention de soin médicaux. 

Parmi tous, l’un raconte sa lutte face à la violence de l’enfermement et l’humiliation quotidienne que lui inflige l’administration du CRA de Coquelles :

J’ai fait une grève de la faim pendant six jours, personne n’est venu me voir, pas même un psychologue ou un médecin. Quand j’ai enfin pu expliquer que je n’avais pas mangé depuis six jours, tous m’ont ri au nez”.

témoignage d’un ancien détenu
au cra de coquelles


Un autre témoignage tout aussi accablant fait le récit du désespoir de gens carencés de liberté, dont l’isolement absurde poussent certains au suicide. 

De tous ces témoignages une même question revient : pourquoi est-on là ?

D’après le dernier rapport sur les centres et locaux de rétentions administratives réalisé par plusieurs associations, moins de la moitié des personnes enfermées sont expulsées du territoire français (44,6%), les autres personnes sont libérées avec le traumatisme de la détention administrative inutile en plus de celui de l’exil.

Le dernier rapport du Giec annonce que le réchauffement climatique impactera entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes, soit près de la moitié de l’humanité. Une personne sur deux sera confrontée au fait de devoir quitter sa maison, son pays. En regardant ce qu’il se passe à Calais ou à Lampedusa, il apparait légitime aujourd’hui de manifester pour demander à quoi joue le gouvernement dans son obstination à repousser toute solution d’accueil et d’hospitalité depuis près de 25 ans, à faire en somme de nécéssité délit.

Article: Jade Lamalchi et Pierre Muys