Hier soir, une autre commémoration a eu lieu.
Un hommage a été rendu aux 478e et 479e victimes des politiques menées à la frontière franco-britannique depuis 1999. En bientôt 25 ans, près de 500 personnes ont perdu la vie en tentant de franchir cette frontière. Et encore, ce chiffre ne reflète pas l’ensemble des drames : les personnes disparues ne sont comptabilisées nulle part.
Cette année seulement, 85 personnes ont trouvé la mort dans des conditions indignes. Des femmes, des hommes, des enfants. Ils sont les victimes d’une politique européenne, nationale et locale que ses promoteurs qualifient cyniquement d’alliance entre « humanité et fermeté ». À Calais, ce dogme répressif est appliqué avec zèle par la maire Natacha Bouchart.
Un jour, espérons-le, ces responsables auront à répondre de leurs actes devant des tribunaux. Et ce jour-là, que ces juges s’inspirent de cette même fermeté pour rendre leur verdict.
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Discours prononcé par une solidaire ayant souhaité resté anonyme :
« On est réuni encore une fois au même endroit, en hommage aux personnes qui ont perdu la vie à la frontière franco-britannique.
Pour deux personnes, dont les corps ont été découverts sans vie hier, le samedi 21 décembre.
Hier, un corps sans vie a encore été retrouvé sur les plages.
On attend encore l’identité de la personne, on ne sait pas encore les circonstances, mais il s’agit sûrement d’un des naufrages qui a eu lieu cette année.
Et hier midi, une personne a été retrouvée sans vie dans sa tente sur le campement informel de Loon-Plage, un des campements à côté de Dunkerque.
On ne le dira jamais assez, c’est important d’être ici.
C’est important de se réunir tout le temps en hommage à ces personnes, en essayant d’être là, en soutien pour leurs proches et pour tenter de ne pas les oublier, de ne pas les anonymiser et de les garder en mémoire.
C’est aussi important de se rassembler ici de manière symbolique [afin de montrer notre] résistance et de continuer de lutter pour ces personnes là. Parce qu’encore une fois, c’est pas des choses qui se passent de manière anodine, ce sont des vies qui ont été prises à cette frontière. On connaît les responsables.
Le fait de laisser les gens traverser en petites embarcations ou en camion amène à des situations comme celle ci, ça amène à des décès.
Le fait de laisser des gens vivre dans des conditions ultra insalubres, sans accès à aucun de leurs droits et de les laisser là dans des tentes avec seulement des couvertures et de ne proposer aucun hébergement, ça amène aussi à des décès.
Cette année, on s’est beaucoup de fois réunis ici à Calais, beaucoup trop de fois réunis à Dunkerque, pour cela.
Il y a au moins 85 personnes qui ont perdu la vie cette année ici à la frontière.
Et on dit “au moins” parce qu’on ne compte même pas toutes les personnes qui ont disparu.
Et du coup, c’est important d’être là.
Et de continuer à ne jamais taire les noms des responsables,
De continuer à essayer de lutter
et d’être aux côtés des proches qui parfois continuent encore à vivre, même sur les campements, ou qui ne sont pas ici pour les moments de deuil.
Du coup, merci d’être là « .
Article et reportage : Pierre Muys