Tout était gris, gelé, saisi le long de la rivière Neuve ce mardi 9 janvier. N’étant plus à une difficulté près, les membres de l’association « Stop Inondations – Pays du Calaisis » ont bravé les températures négatives pour organiser un rassemblement à Hames-Boucres, au niveau d’une écluse carrée qui peine à réguler seule le niveau du cours d’eau. Une manifestation pour crier, derrière le boucan torrentiel des pompes à eau, tout un flot de revendications locales et continuer d’habiter ici.
Au même moment, Arras et Clairmarais recevaient les visites de Christophe Béchu et Gabriel Attal, respectivement ministre de la Transition et Premier ministre. Ils venait évoquer, entre autres, le curage des cours d’eau réclamé par les agriculteurs, la possibilité pour l’État de racheter certains bien inondés et de pouvoir décréter les lieux comme non habitables. « Ils viennent, ils s’intéressent aux problèmes… Ils sont venus plusieurs fois, c’est une bonne chose » déclare Allan Turpin, président de l’association Stop Inondations et maire d’Andres… avant d’aborder de front les problématiques liées à la rivière Neuve.
« L’hiver, l’eau est bien trop haute et l’été, elle est bien trop basse. » Une situation qui cause ces dernières années des inondations quand il ne s’agit pas de problèmes d’irrigations et d’apparitions de fissures sur les habitations à cause de la sécheresse. Pour l’association, les principaux responsables de ces calamités sont à trouver du côté de l’Institution intercommunale des wateringues et sa gestion des différentes écluses et stations de pompages. Allan Turpin, devant l’assemblée, remonte le fil :
Au mois de novembre, au début de la crue, j’avais saisi l’institution intercommunale des wateringues pour qu’ils puissent activer davantage les pompes au bassin des chasses. La réponse je l’ai eu trois ou quatre jours plus tard, par la Voix du Nord. Quelle a été sa réponse ? “Il faut attendre les grands coefficients de marée pour s’écouler”. J’appelle ça des technocrates ! Fin décembre, au moment où c’était la période de festivités pour les gens, une période où on pouvait donc s’amuser, prendre plaisir, voilà que l’eau monte. Une semaine avant, voire deux semaines avant, nous avons aussi demandé, avec mon collègue maire de Guînes, l’abaissement de la rivière Neuve en prévision de ces précipitations qui arrivaient. Quelle fut la réponse ? […] “Techniquement, c’est pas possible.
Ce qui est avancé par l’institution comme une impossibilité technique relève en fait d’avantage d’une décision administrative, si ce n’est d’une carence démocratique. Allan Turpin :
On ne peut pas baisser le niveau de la rivière Neuve parce qu’ils sont pris, ils sont cadenassés par une convention qui a été rédigée en 2012. Qu’est ce qu’elle dit, cette convention ? Elle dit qu’il y a un niveau d’alerte à un certain niveau. Mais un niveau déterminé par qui ? Par la section des wateringues ! Cinquième et quatrième ! Et avec qui ? Avec l’institution intercommunale des wateringues… Est-ce que les communes ont été sollicitées pour donner leur avis ? Non ! Parce que les communes, on s’en fout.
Une série de revendications
Le constat ainsi posé, le maire d’Andres propose dans son discours un certain nombre de revendications :
- 1 – La révision de la convention de 2012 qui est « tout simplement un bout de papier qui gère la sécurité des gens. Pour que le rabaissement de la rivière Neuve soit possible de tout temps en hiver, 50 cm en moins l’hiver.«
- 2 – Le maintien des pompes actuellement mise en place sur la rivière Neuve, pour une durée plus étendue : « Au mois de novembre. Ça a été deux semaines. C’est trop court, bien trop court ! Nos terrains étaient encore gorgés d’eau et il y a eu la pluie et d’un coup d’un seul, il y a eu la montée d’eau. »
- 3 – L’installation d’un système de pompage permanent sur l’écluse carrée « …pour pouvoir vider la rivière Neuve beaucoup plus rapidement. Quatre cinq jours, c’est trop long à attendre ! Trop, trop, trop long à attendre, surtout quand les gens sont dans l’eau. Il faut qu’il y ait une réactivité et on ne l’a pas eue. »
- 4 – Vérification de l’ensemble du réseau hydrolique de la rivière Neuve afin de stopper les phénomènes de ruissellements : « Balinghem, Brèmes, Guînes. Mais ça va aussi jusqu’à Hames-Boucres qui eux aussi sont embêtés pour écouler leur eau. »
- 5 – Obtenir l’annonce du programme des travaux sur la station de pompage des Pierettes, qui rejette les eaux vers le bassin des chasses : « Parce que quand on sait que ça fait 40 ans, 50 ans que c’est construit, quand on sait que dans le rapport de la chambre régionale des comptes de septembre 2023, il est indiqué que depuis 2008, ils savent pertinemment que le réseau est obsolète. Ce n’est pas normal ».
Une action démocratique
A côté de ces doléances, il y a aussi l’annonce de réunions publiques de travail accompagnées par Stop Inondations. Le 16 janvier pour les riverains d’Andres et une autre le lendemain à Hames-Boucres. Un travail démocratique qui découpe la rivière Neuve en sections communales dont les problématiques sont relevées par ceux-là mêmes qui les subissent. «C’est peut être le moment de passer à l’action et de passer la seconde quoi ! » conclura une riveraine en proposant à chaque habitant·es sinistré·es de déposer une plainte contre les institutions responsables des différentes défaillances dans la gestion des cours d’eau. Si le niveau de l’eau dans le Calaisis semble avoir du mal à baisser, celui de l’action démocratique semble en revanche bien augmenter !
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Article et Reportage : Pierre Muys