Dimanche 1er octobre, comme à chaque lendemain de l’annonce de la mort d’un exilé dans la presse, des Calaisien.nes se sont retrouvé.es devant le parc Richelieu pour rendre hommage au jeune homme mort la veille percuté par la locomotive d’un train de marchandise, au niveau du passage à niveau du chemin Castre, à Calais.
Ils apprendront lors de l’hommage qu’une autre personne a été retrouvé noyée dans le canal de Bourbourg, à Loon-Plage, portant le nombre de réfugié.es décédé.es dans la semaine à trois. Ce sont les 379 et 380 ème personnes qui mourent à la frontière depuis 1999.
[Edit du 20.11.23 : Plus d’un mois et demi après ces trois décès, une seule a été identifiée : Dinesh Shanmugarajah, sri lankais de 33 ans, décédé par noyade]
La commémoration,
mot pour mot
Antoine – animateur à l’accueil de jour du Secours Catholique
Bonsoir tout le monde. Donc, comme souvent, comme toujours, nous voilà réunis pour commémorer de nouveaux événements dramatiques à la frontière. On a. On a le sentiment en ce moment que c’est très très, très, très, très récurrent, quasi quotidien. Et c’est extrêmement difficile de maintenir ce rythme là, de parvenir à toujours trouver des mots qui arrivent à qualifier, avec la vigueur et la force nécessaire, ce qui se passe ici parce que on parle malheureusement de deux nouveaux décès qui seraient survenus hier, respectivement, à Calais, à proximité du chemin Castre, au niveau des rails, et un autre qui serait survenu à Grande-Synthe qui aurait été repêché dans un canal. On n’a malheureusement pas beaucoup plus d’information que ça à ce stade et le travail va être un peu et essayer de compléter un peu nos connaissances là dessus. Mais voilà, à ce stade, on a juste les informations qui figurent dans la presse. Le constat qu’on partage un peu entre nous là, avant que cette prise de parole arrive, c’est que l’on peine vraiment, vraiment, vraiment, à donner suffisamment d’enjeu à ces prises de parole là. C’est vraiment compliqué de continuer à déplorer ce qui se passe, continuer à trouver les mots, continuer à en parler. Mais c’est d’autant plus important justement de trouver la force de se réunir, de dénoncer, dénoncer, dénoncer tant qu’on peut ces événements dramatiques qui sont encore une fois, et on ne cessera de le répéter, le fruit de politiques mortifères aux frontières menées par les Etats français et britanniques, qui sont évidemment et avant tout les coupables de toutes ces morts, qu’elles soient accidentelles, dans des embarcations, près de camions, près de rails… C’est le résultat d’une même politique et c’est vraiment essentiel de le répéter. Il y aura très certainement dans les jours qui viennent (à confirmer) un autre rassemblement de ce type à Grande-Synthe pour la commémoration de ce décès. Une commémoration qui aura certainement lieu à Dunkerque mais les détails vous seront communiqués. Et voilà donc je propose que l’on commence une minute de silence maintenant. Et ensuite les personnes qui veulent prendre la parole à la suite de cela pourront tout à fait le faire et prendre le temps.
Dans un instant, je laisserai le micro et quiconque pourra le prendre. Je tenais simplement à préciser que les décès sont tellement récurrents, le rythme des drames et de la répression infligée par les autorités à la frontière est telle qu’on peine même à être au clair sur les chiffres. Il a fallu qu’on réfléchisse deux secondes pour se rappeler de combien, précisément de morts à la frontière on a dénombré. Donc on estime qu’au moins 379 personnes sont décédées depuis 1999. Pour rappel, quatre sur les deux dernières semaines, quinze cette année. C’est des chiffres absolument terrifiants et il est essentiel aussi de se rappeler bien que, bien sûr, ces personnes sont au delà des chiffres, des personnes qui ont chacune leur identité, leurs rêves et qui ont toutes été brisées par par cette frontière.
Ferri
Bonsoir à nouveau, Bonsoir à notre soirée très triste.
Si je parle chaque fois, c’est parce que je trouve qu’on ne peut pas se taire. et parce que si je vois qu’il y a toujours encore du monde ici, c’est parce que je pense que vous pensez la même chose que moi. Il faut dire partout à quel point les réfugié.es de Calais et de la France sont harcelé.es, sont pourchassé.es, sont démantelé.es tous les jours.
Il ne faut pas se taire, jamais. Le jour où nous on se tait eh bien ils seront morts pour rien, ils seront morts dans le silence. On ne peut pas accepter ça. Donc tant que vous êtes là, essayez de trouver des paroles, essayez de trouver des mots pour dire: “Non, on n’accepte pas ça.” Non, on ne peut pas accepter ça, on ne peut pas fermer les yeux sur une mort tous les deux jours, tous les trois jours, tous les quatre jours, c’est impossible. Donc on a des larmes. Oui, mais on a surtout aussi beaucoup de colère et on a beaucoup de moments où on ne sait même plus quoi faire pour dire: “arrêtez, arrêtez cette violence, arrêtez de harceler les gens ici, laissez les vivre.” Et si on veut pas des réfugiés en France, parce que la France est bien claire là dessus, ils ne veulent pas de réfugiés en France. S’ils veulent pas des réfugiés en France, Ouvrez les frontières, laissez les partir, laissez chaque personne aller vivre là où elle veut vivre. La terre n’appartient pas aux êtres avec une couleur blanche. La terre appartient à tout le monde et chaque personne a le droit d’aller trouver une place quelque part pour vivre.
Antoine – animateur à l’accueil de jour du Secours Catholique
Il n’y a pas de bon moment et de bonne façon pour dire cela aussi, mais je tiens à préciser que le travail du groupe décès, c’est aussi de visibiliser justement ces drames, ces situations, et d’accompagner tant que peut les victimes et les familles des victimes dans leurs démarches de funérailles, dans leurs démarches de deuil. Et pour cela, on a une cagnotte qui est mise en place depuis un certain temps justement pour couvrir ces frais et qui, comme vous l’avez sûrement deviné au vu du rythme dramatique des décès ces derniers jours et ces dernières semaines, doit être partagé. Si vous avez la possibilité de la partager ou des personnes qui pourraient justement donner à cette cagnotte là, ce serait essentiel pour qu’on puisse faire ce suivi dans les meilleures conditions. Si d’autres personnes veulent prendre la parole, je vais laisser le micro ici. Vous avez bien sûr le loisir de rester pour vous recueillir ou prendre un thé, un café.