La population vole au secours du Channel

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Plus de 1500 personnes ont convergé vers le Channel ce samedi 6 mai pour soutenir les équipes de la scène nationale, ciblée par la municipalité de Calais. Un soutien populaire comme un acte de résistance face à une mairie qui a cédé à la tentation de l’autoritarisme.

Les faits

  • Lors du conseil municipal du 7 février, la municipalité de Natacha Bouchart émettait le souhait de voir au Channel « un nouveau projet et donc un nouveau directeur puisque l’actuel [Francis Peduzzi] ne veut pas entendre changer le sien » . L’annonce a créé une vague d’indignation dans le Calaisis et au-delà.
  • Le 11 avril, les équipes du Channel organisaient une réunion publique pour répondre aux questions des usagers de la scène nationale. « L’objectif doit être de faire en sorte que notre scène nationale ne devienne pas une structure municipale qui soit masquée par un label « scène nationale ». » avait-on entendu.
  • Une pétition était lancée, recueillant à ce jour près de 8000 signatures. Le Channel recevait alors le puissant soutien d’Ariane Mnouchkine, fondatrice du Théâtre du Soleil, qui étrillait Natacha Bouchart et son « désir d’hégémonie indéniable » .
  • Il y a quelques semaines, Francis Peduzzi annoncait un « rendez-vous artistique, festif et populaire, en soutien au Channel. » qui a donc eu lieu ce samedi 6 mai.

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Dans un message publié sur les réseaux sociaux par la scène nationale de Calais ce dimanche 7 mai, la réussite du rendez-vous de la veille ne fait aucun doute : « Une marée dans le Channel. 1500 personnes au moins. Ce fut comme nous l’avions promis : artistique, festif et populaire. Artistes, population de Calais et d’ailleurs, vous avez dignement soutenu ce lieu qui est et doit rester le vôtre. »

Face à une municipalité qui s’acharne, les équipes du Channel ont ainsi répondu par la joie, l’art et la fête. Récit.

« On ne se laisse pas voler un rêve réalisé »

Il est 19 heures. Une foule importante s’est massée devant les portes du Channel. Une voix s’élève. On reconnaît les mots d’Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du Soleil et soutien de poids pour la scène nationale calaisienne. « Un bien commun se défend bec et ongles, entend-on sur le boulevard Gambetta. On ne se laisse pas voler un rêve réalisé. »

Sur la façade du bâtiment – qui abritait autrefois les abattoirs de la ville – de grands tissus noirs tombent et dévoilent d’immenses panneaux : « Que demeure toujours vivant, dans cet ancien abattoir de la ville de Calais, l’esprit de ce lieu de vie artistique, résolument hospitalier. Et que personne ne s’octroie ces corps de bâtiments, ni ses organes de direction à d’autres fins. »

Le public découvre d’autres panneaux, imaginés par l’artiste Johann Le Guillerm. « Attention, zone exemplaire » lit-on en haut à gauche. Plus bas : « Écris ton nom et crie ton oui » . Une flèche invite le public à signer à même le mur du bâtiment. Assez vite, les murs et les trottoirs du Channel sont recouverts – à la craie – de nombreux messages de soutien.

« Faire disparaître le Channel, c’est comme si on nous demandait d’arrêter de rêver ! » lit-on entre les signatures de Mich Mich, Anne, Violette, Max, Émilie, Loïc…

Dans la foulée, la Chorale amicale citoyenne entonne un chant, spécialement imaginé pour l’occasion. Bientôt, la foule toute entière – à qui l’on a pris soin de distribuer les paroles – se met à donner de la voix. « Une aventure humaine de la culture », « Pourvu qu’ça dure », « C’est magnifique » chantent les gens à l’unisson.

La suite se passe à l’intérieur du Channel. Dans la grande halle, des visages défilent sur un immense écran. Ils sont ceux des artistes, des salariés et de toutes celles et ceux qui fréquentent le Channel, immortalisés par la photographe Gwen Mint

« Il y en a pour tout le monde ici »

À l’extérieur, les barbecues sont allumés, les merguez grillent et les pompes à bière tournent à plein régime. Il y a du monde, beaucoup de monde. Il faut s’armer de patience pour boire un verre.

Dans la file, on tend l’oreille. « Il y en a pour tout le monde ici, chacun peut y trouver son bonheur, il y aussi bien du rock, du folk, du classique… Pour les grands, pour les enfants… En plus, les prix sont abordables, tout le monde peut en profiter, toutes les familles. Et puis, ce sont vraiment des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir à Calais, ce sont des artistes hors du commun. »

« Nous, on veut continuer à danser, encore »

Juste à côté, les concerts commencent. Les frères Wall&Gain montent en premier sur la scène, suivis par le duo Père et fils. La soirée se termine par le bal de Tire-Laine.

Plus tôt, la foule chantait. Désormais, elle danse. Tout était finalement écrit d’avance. Le 3 mars dernier, au moment d’annoncer la grande fête du 6 mai, Francis Peduzzi écrivait : « Et comme le chante HK : nous, on veut continuer à danser encore » . Oui, le Channel danse encore. Et il n’est pas seul.

Reportage : Valentin De Poorter