Le droit de réponse des associations face aux attaques sécuritaires de Natacha Bouchart

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2024 : l’année la plus meurtrière

Le 3 septembre 2024, douze personnes ont perdu la vie dans la Manche. Quelques jours plus tard, huit autres sont mortes au large d’Ambleteuse. En neuf mois l’année 2024 s’impose déjà comme la plus meurtrière depuis le début des traversées en bateaux de fortune, en 2018.

La liste des personnes disparues en tentant de franchir la frontière franco-britannique ne cesse de s’allonger, causant une douleur immense aux familles et aux proches. Pourtant, ces tragédies passent souvent sous silence, jusqu’à ce que le nombre de victimes atteigne un seuil où l’on ne parle plus d’une vie perdue, mais de « la mort d’au moins six migrants ». C’est alors que Calais devient un espace médiatique et politique, mobilisé pour justifier des mesures de « lutte contre les passeurs » et « l’immigration illégale », détournant l’attention des véritables causes de ces drames.

Crédit cartographie, Philippe Rekacewicz

« humanité et fermeté »

La maire de Calais, Natacha Bouchart, en fonction depuis seize ans, a profité de ce regain médiatique pour réclamer une fois de plus des moyens supplémentaires afin de « sécuriser » encore davantage la région. Dans une interview accordée au Figaro le 13 septembre 2024, elle réitère la rhétorique qui lie « humanité et fermeté » face à ce qu’elle appelle « un flux de mouvement permanent ».

Cependant, ce discours qui domine l’espace public ne laisse pas la place aux personnes concernées ni à celles et ceux qui, sur le terrain, luttent chaque jour pour défendre les droits des personnes exilées. Ni Le Figaro, ni BFM TV, ni RMC ne tendent le micro à ces voix, les rendant invisibles face à un discours politique et médiatique sécuritaire omniprésent.

droit de réponse

Face au voeu de Madame la Maire de rétablir le droit de séjour irrégulier sur la bande littorale et son désir de coûler le béton d’un camp d’internement administratif (ou « Lieu d’Accueil humanitaire » pour reprendre la novlangue municipale), nous avons choisi de proposer un droit de réponse, en donnant la parole à celles et ceux qui vivent ou accompagnent la réalité de la frontière à Calais. Amira, réfugiée et ancienne médiatrice interprète à l’accueil de jour du Secours Catholique, Alexia, coordinatrice juridique et plaidoyer pour l’association Women’s Center, et Axel, coordinateur de terrain à Utopia 56, nous partagent leur vécu sur le terrain.

Ce droit de réponse est essentiel pour construire un autre récit, celui qui résiste aux discours xénophobes et sécuritaires ainsi qu’à l’exclusion systématique des personnes exilées. En apportant une bouffée de nuances à la propagande municipale, nous cherchons à rendre visible ce qui est systématiquement invisibilisé : les politiques d’exclusion à la frontière franco-britannique et leurs conséquences humaines dramatiques.

Loin des projecteurs médiatiques et des manœuvres politiques, ces récits permettent de contrebalancer les discours officiels et institutionnels, en réinscrivant le droit naturel au centre du débat. Face aux logiques de rejet, nous refusons de laisser l’histoire de cette frontière être monopolisée par ceux qui nient la dignité de chaque vie.

Texte et entretien réalisés par Jade Lamalchi et Pierre Muys.
Avec l’aide au montage de Julia Druelle et Marine Deseille.

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