Hier, les travailleurs et travailleuses des services territoriaux n’avaient pas vraiment bonne mine. Salarié·es par les mairies de Calais Etaples ou Marck, ils se sont réunis mardi devant l’hotel de ville de cette dernière pour manifester et partager une même expérience de la souffrance liée à leur travail.
Nous avons entendu ce matin là des fonctionnaires avoir la même langue que celle qu’on a plutôt l’habitude d’entendre de la bouche des employés du secteur privé : Les mots dits pour le boulot qui ne paie plus, pour le management toxique qui écrase et humilie, l’organisation du travail qui s’acharne à réduire le semblant d’estime qu’on parvient malgré tout à garder pour nos vies.
Du mégaphone de Sylvie Boulanger, Atsem à Calais est aussi sorti une plainte terrible :
« Il faut sauver le service public… Mais sur quels moyens ? Peut-on laisser un service public de qualité quand on doit encore faire dix milliards d’euros ? De l’argent on sait qu’il y en a ! Des richesses il y en a ! Mais on doit donner de plus en plus aux actionnaires, à tout ceux qui prennent des dividendes ! Ils n’ont jamais étés aussi riches qu’aussi riche ! Et nous… On n’a jamais été aussi pauvre qu’aussi pauvre ! Aujourd’hui on n’est plus la classe moyenne, on est la classe pauvre qui travaille pour payer ! Tout augmente autour de nous et nos salaires, ils sont gelés ! Aujourd’hui nous n’avons plus les moyens de faire des choses intéressantes de notre vie, car nous devons travailler. »
Le mal est profond mais connu depuis longtemps. Assez en tout cas pour que certains secteurs connaissent une crise de recrutement. Catherine, employée administrative en CCAS raconte les difficultés des aides soignantes en poste à cause des problèmes de recrutements : « On n’arrive plus à recruter, donc les femmes qui sont en poste sont épuisées en fait. On leur met des horaires de 8 h à 20 h, avec très peu de pause… C’est compliqué. » euphémise-t-elle.
En collectant les voix de ce petit cortège abîmé, on se dit que la manifestation servira au moins à l’équipe municipal de la Ville de Marck d’être au courant.
Stéphanie Way, porte-parole CGT des agents territoriaux de La Ville, douche cependant ce petit espoir devant le bâtiment des services techniques : « Ils savent mais ils ne font rien. Et ça, c’est pire que tout. C’est pire que tout d’être reçu par madame le Maire [Corinne Noel,] d’être reçu par Monsieur le député [Pierre-Henri Dumont]. Ils ont entendu ce qu’on a dit, mais ils n’ont pas pris d’initiative ou quoi que ce soit. Pourquoi toujours mettre en cause le personnel et pas notre management ? »
La déléguée syndicale déterminée au point d’envisager de radicaliser d’avantage sa colère poursuit : « J’ai jamais connu ça moi ! Jamais connu cette façon de faire, de manager. C’est grave ce qui se passe à Marck et je pense que les gens n’en n’ont pas conscience. Les gens se disent que c’est une super belle ville où tout se passe bien, où tout va très bien mais non.«
Comme pour faire du bien et lui faire reprendre un peu le sourire on lui demande si la solution ne serait pas à trouver dans la suppression des managers… Elle répond, franche : « On a eu une période où, justement, on n’avait pas de directeur, pendant un petit moment…. Il y avait des gens qui n’étaient pas là et paradoxalement, ça s’était très bien passé. Donc oui la bonne question à se poser, c’est est-ce qu’on a vraiment encore besoin d’être encadré comme ceci ? Est-ce que justement, on pourrait pas gérer nous-mêmes ? Le travail on le sait !«
Pierre Muys.