« C’est elle, cette direction, qui a coulé Synthexim »

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L’industrie calaisienne vit des moments compliqués. Synthexim et Meccano fermeront bientôt et définitivement leurs portes. En ouverture du conseil municipal du 16 mai, Natacha Bouchart, maire de Calais, s’est exprimée sur le sujet et n’a pas épargné les directions des deux sites industriels.

Natacha Bouchart, maire de Calais, lors du conseil municipal du 16 mai 2023.

Les faits

  • Le 3 mai, l’usine Synthexim, employant 120 salarié⸱es, a été placée en liquidation judiciaire. Sans repreneur, elle fermera définitivement ses portes à la fin du mois.

  • L’usine Meccano emploie 50 salarié⸱es. Le groupe Spin Master, propriétaire de l’usine, a décidé de fermer l’usine en 2024 en raison d’un manque de compétitivité.

« Il y a, dans les deux cas, des familles qui vivent dans l’incertitude et l’angoisse. Leur colère, leur tristesse et leur ressentiment sont pleinement légitimes et humainement compréhensibles. Dans ces moments éprouvants, je transmets aux salariés mon plus profond soutien. » a indiqué la maire de Calais, lisant un texte préparé en amont.

Synthexim : la situation résulte « en grande partie d’erreurs de gestion »

S’agissant de l’usine de chimie fine Synthexim, Natacha Bouchart se montre extrêmement sévère à l’égard de la direction. « Au fil des échanges, intervenus par le biais de l’Agglomération et cela depuis 2015, nous nous sommes rendus compte que l’outil industriel n’avait pas été renouvelé comme il le fallait et que la situation actuelle résultait en grande partie d’erreurs de gestion. »

L’usine Synthexim de Calais est située quai d’Amérique. Elle fermera définitivement à la fin du mois de mai.

De son côté, David Simonnet, PDG du groupe propriétaire de l’usine, a rejeté la responsabilité de son échec, lors d’une audition au Sénat. « Nous avons échoué parce que le contexte n’était pas favorable. » justifie-t-il, invoquant le contexte de désindustrialisation du pays, la concurrence déloyale des pays d’Asie, mais aussi la crise migratoire qui, selon lui, aurait perturbé l’activité de l’usine.

Dans la salle du conseil municipal de Calais, Natacha Bouchart poursuit : « De son côté Grand Calais Terres et Mers avait tout mis en œuvre pour accompagner le groupe et préserver l’emploi. La dette consentie par la collectivité s’élève à 1,9 million d’euros. Aujourd’hui cette dette est perdue. C’eut été naturellement un moindre mal si cet effort financier avait permis de pérenniser l’activité. »

Une mise aux normes environnementales trop chère ?

Selon l’élue à la mairie de Calais, les raisons de l’absence de repreneur sont liées au montant de la mise aux normes environnementales, exigée par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

C’est par cette entrée, située quai d’Amérique, que les salarié⸱es entrent dans l’usine depuis 120 ans.

« L’ampleur des investissements nécessaires pour satisfaire aux contraintes réglementaires, sans compter l’argent qu’il aurait fallu investir pour moderniser l’outil industriel, a découragé des intérêts pourtant réels. Et je le dis, c’est un gâchis, parce que cet outil fonctionne. Il n’est pas aux normes, c’est vrai. Il est classé Seveso, c’est vrai et n’étant pas aux normes il est potentiellement dangereux, c’est vrai. Mais un plan d’accompagnement aurait pu être mis en place pour lisser dans le temps l’atteinte des normes environnementales et ainsi ne pas décourager d’emblée des volontés de reprises. »

L’État et la direction de l’usine jugés responsables

« Cette issue me met en colère parce que je suis convaincue que des choses pouvaient être faites, d’autant plus quand on sait qu’il n’y avait pas de problème en termes de carnet de commande. » réagit la maire de Calais.

« Je regrette que l’État n’ait pas proposé de plan d’investissement pour le plan environnemental tout comme je déplore que la direction n’ait pas passé la main quand il était encore temps. Et je le dis, et je le répète, c’est elle, cette direction, qui a coulé Synthexim. »


Meccano : les questions sans réponses des acteurs locaux

Sur le dossier de l’usine Meccano, Natacha Bouchart explique : «  En agissant de concert avec monsieur le Préfet, madame la sous-préfète et le président de région, Xavier Bertrand, j’espérais obtenir des réponses claires à des questions tout aussi claires : combien coûte le rachat de la licence Meccano ? Quels sont les repreneurs qui, selon SpinMaster, n’auraient pas concrétisé leur marque d’intérêt pour reprendre l’activité du site de Calais ? Pouvons-nous obtenir un certain nombre d’informations essentielles à la recherche de repreneurs, tels que les caractéristiques du site et la pyramide des âges ? Malgré plusieurs relances, nous ne disposons toujours pas de l’ensemble de ces éléments. » déplore l’élue.

« Réfléchir à une reconversion industrielle »

« Nous poursuivons malgré tout la démarche engagée avec le cabinet spécialisé qui a été mandaté à ma demande par Calais Promotion pour nous donner une vision objective du potentiel du site et réfléchir à une reconversion industrielle. » indique Natacha Bouchart, qui salue au passage l’accord trouvé entre les représentants du personnel et la direction du site.

« S’il doit encore être validé par la direction du travail, cet accord, au regard de l’indemnité supra légale qu’il comporte, me semble de nature à permettre aux équipes d’entrevoir leur avenir un tout petit peu plus sereinement. » conclut la maire de Calais.

Pierre Muys et Valentin De Poorter

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