Après l’annonce de la liquidation de l’usine Synthexim, David Simonnet – PDG du groupe Axyntis, propriétaire de l’usine – était convoqué au Sénat pour répondre aux questions de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments.
Les faits
- En 2013, le groupe Axyntis reprend l’usine Calaire Chimie, qui devient Synthexim. À son arrivée, le groupe licencie 110 salarié⸱es sur 197.
- En novembre 2022, le groupe Axyntis se désengage, l’usine est placée en redressement judiciaire. Un repreneur est recherché.
- Le 3 mai, le tribunal de commerce d’Orléans prononce la liquidation judiciaire de l’usine. Aucun repreneur n’a été trouvé. L’usine fermera ses portes à la fin du mois de mai. 120 salarié⸱es seront licencié⸱es.
- La commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments a demandé au PDG du groupe, David Simonnet, de venir expliquer la situation, alors que l’usine Synthexim est en capacité de produire des principes actifs à destination de l’industrie pharmaceutique.
« Vous comprendrez qu’à l’heure où le gouvernement entend mettre en œuvre une stratégie de souveraineté sanitaire, la fermeture d’un site de production de principes actifs suscite des interrogations. » pose d’emblée Bruno Belin, sénateur LR et vice-président de la commission d’enquête.
En face, David Simonnet, PDG du groupe Axyntis depuis 2007, qui fait dans la chimie fine. L’homme est bien connu dans le secteur, intervenant régulièrement dans les médias pour parler relocalisation. En 2017, il était candidat LREM aux élections législatives dans le Loiret.
Désindustrialisation et concurrence déloyale des pays d’Asie
Pour expliquer les difficultés de l’usine Synthexim, le PDG pose d’abord un contexte global : « la tendance de fond à la désindustrialisation du pays depuis 30 ans » et « la concurrence déloyale des producteurs en Chine et en Inde » .
Selon l’industriel, une usine comme Synthexim, faite pour produire de gros volumes, ne peut être compétitive face à l’industrie chimique asiatique. « Force est de constater qu’il n’y a pas aujourd’hui de place pour de la relocalisation, pour du développement de molécules à très forts volumes » explique-t-il. « C’est pour ça que l’enseignement que j’en tire est que la relocalisation ne peut se faire que sur des petites séries, des molécules à très forte valeur ajoutée. »
En somme, il ne serait plus possible – s’agissant de la chimie fine – de produire en gros volumes en France. Tel est l’argument central de David Simonnet, répété une bonne dizaine de fois pendant son audition, pour expliquer la fermeture de l’usine de Calais.
Face à lui, les membres de la commission d’enquête lui font remarquer la relocalisation de la production de paracétamol dans de très gros volumes. « Oui, c’est un contre-exemple, il ne m’appartient pas de commenter ce contre-exemple, c’est une exception… » bafouille l’industriel, qui se plaint au passage des « impôts de production disproportionnés en France ainsi qu’une sur-réglementation et un sur-contrôle. »
Un contexte local défavorable
À ce sujet, la commission d’enquête rappelle au dirigeant que son groupe a reçu des aides publiques – à hauteur de 1,8 millions d’euros – de la part de l’État et des collectivités territoriales.
Les millions n’y ont rien fait, le contexte local était défavorable, selon le PDG. « Nous avons eu à gérer, quelques années après [la reprise de l’usine], les impacts de la crise des migrants sur Calais. » explique-t-il.
Deuxième problème : « Ce site reposait sur un fret ferroviaire. Fret ferroviaire qui n’était plus accessible. On a dû changer la logistique de cette usine. »
Troisième problème : Synthexim « disposait d’un incinérateur pour traiter une partie des rejets de l’usine et faisait de la prestation pour le compte de tiers, un concurrent belge s’est implanté à Dunkerque avec un incinérateur deux fois plus important. » Résultat : l’incinérateur de l’usine a fermé à l’été 2020.
L’aveu d’échec d’un système économique libéral
Selon David Simonnet, la prise de conscience de l’absolue nécessité de relocaliser la production pharmaceutique est trop tardive. « Moi, ce constat-là, je le faisais il y plus de dix ans, et il est exactement à l’origine de cette motivation que j’avais à reprendre Calais en 2013. » explique-t-il. « L’objectif était clair, d’y développer de l’activité pharmaceutique à fort volume. Nous n’y sommes pas arrivés. » concède-t-il.
Les raisons de l’échec ne sont pas à chercher dans la gestion du groupe Axyntis, plaide son PDG. « Nous avons échoué parce que le contexte n’était pas favorable » avance-t-il, rejetant la responsabilité de son échec sur l’attitude « des grands donneurs d’ordres et au niveau de l’État » qui n’ont pas joué le jeu de la relocalisation.
Cette attitude, doit-on comprendre, c’est la recherche du profit, la baisse des coûts de productions qui ont conduit aux délocalisations et, de fait, à l’effondrement de la souverainement sanitaire du pays. « On découvre en fait que le médicament n’est pas un produit comme les autres. Mais on l’a livré aux forces de la mondialisation et de la financiarisation. » conclut David Simonnet, PDG d’Axyntis.
Il reste que le même homme, pendant la même audition, fustige une « sur-réglementation et un sur-contrôle » de l’État, réclamant à la fois davantage de liberté et plus de soutien financier. En même temps, David Simonnet chante le libéralisme économique et pleure ses ravages.