Réforme des retraites : ce que pense le député Pierre-Henri Dumont

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Le député Pierre-Henri Dumont (LR) va débattre avec les syndicats calaisiens ce mardi 21 février. Avant cela, nous décryptons ses interventions pour mieux comprendre son point de vue sur la réforme des retraites.

Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais, à l’Assemblée nationale, le 17 février 2023.

Sa famille politique, le parti Les Républicains, veut absolument que soit votée la réforme des retraites. Mais avec d’autres députés de son camp, Pierre-Henri Dumont affirme être opposé au texte, suscitant l’agacement de ses collègues. Derrière cette opposition adroitement mise en scène se cache pourtant le consentement de Pierre-Henri Dumont à la mesure la plus impopulaire de la réforme : le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

Les arguments du député Dumont pour réformer

Pierre-Henri Dumont est favorable à une réforme des retraites qui inclut le report de l’âge légal, aujourd’hui fixé à 62 ans. Lors de la présentation de ses vœux, le 31 janvier 2023, il explique pourquoi. Procédons argument par argument.

  • « Aujourd’hui, les prévisions de déficit sont importantes. »
    Selon trois scénarios sur quatre établis par le Conseil d’orientation des retraites (COR), le système par répartition pourrait en effet devenir déficitaire. Pour financer ce déficit, les actifs et les retraités sont donc mis à contribution : deux ans de cotisations en plus pour les premiers, deux ans de retraite en moins pour les seconds.

  • « Les conditions de démographie ont changé. »
    Le système par répartition – selon lequel ce sont les actifs qui financent, en cotisant, les pensions des retraités – serait déséquilibré. Les chiffres du député sont les suivants : lors de la mise en place du système, il y avait 4 actifs pour 1 retraité. Aujourd’hui : 1,9 actif pour 1 retraité. D’ici quinze ans (soit en 2040) : 1,1 actif pour 1 retraité. Les deux premiers chiffres sont conformes à la réalité. Le troisième est inexact. Selon le rapport du COR (schéma ci-dessous), il y aura environ 1,5 actif pour 1 retraité dans quinze ans, en 2040. Même en 2070, le chiffre de 1,1 ne sera pas atteint, selon cette projection.
  • « Il faut une réforme car le travail a radicalement changé. »
    Selon le député, le système actuel fut pensé à une époque où la nature du travail était radicalement différente. Il explique : « On commence beaucoup plus tard, on alterne des périodes au travail et au chômage, on alterne des périodes sous des statuts différents : employé, salarié, fonctionnaire, auto-entrepreneur. On vit évidemment plus vieux et la pénibilité, quoi qu’on en dise, a largement diminué. » Selon le député, tous les feux semblent donc être au vert pour un report de l’âge légal.

Le souci des carrières longues

Mais s’il n’est pas opposé au report de l’âge légal à 64 ans, quel est donc le problème de Pierre-Henri Dumont avec cette réforme des retraites ?

L’essentiel repose sur une incohérence dans le dispositif « carrière longue ». La loi prévoit que les actifs ayant commencé à travailler après 21 ans pourront partir à 64 ans, à condition d’avoir cotisé pendant 43 ans. En revanche, ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans pourront partir plus tôt, sous conditions. Par exemple, une personne qui a commencé à travailler à 18 ans pourra partir à la retraite à 62 ans, après avoir cotisé pendant… 44 ans.

C’est cette incohérence – également dénoncée par les députés de la NUPES – qui est à l’origine du psychodrame chez Les Républicains. En effet, le député Aurélien Pradié, contre l’avis de son camp, s’oppose bruyamment au gouvernement et réclame que personne ne travaille plus de 43 années. Une position partagée par le député Pierre-Henri Dumont.

Justice sociale, vraiment ?

Depuis quelques semaines, le député Dumont tourne en boucle sur cette question des carrières longues et y associe, à chaque fois, un élément de langage : « C’est une question de justice sociale » déclare-t-il sur BFM TV, le 5 février. « Si cette question des carrières longues n’est pas tranchée d’ici la fin des débats, je serai contraint de voter contre ce texte parce qu’il fait trop de perdants, parce qu’il n’est pas juste socialement. » répète-t-il sur le plateau de France 3, le 10 février. Aux soir de la présentation de la réforme, le 10 janvier, il se donnait déjà, sur Europe 1, l’objectif de « rendre cette réforme encore plus juste ».

Michael Zemmour est économiste à l’Université Sorbonne Paris 1.

Derrière la formule, il y a pourtant une réalité plutôt… injuste : ces départs à la retraite, même s’ils sont anticipés, sont tout de même décalés par rapport au système actuel. Reprenons l’exemple d’une personne qui a commencé à travailler à 18 ans : aujourd’hui, cette personne peut prendre sa retraite à l’âge de 60 ans. Avec la réforme, ce sera 62 ans. Justice sociale, vraiment ?

Une manœuvre politique

Cette répétition du même élément de langage depuis des semaines n’a rien d’hasardeux. Aux côté d’Aurélien Pradié, député du Lot et « avocat d’une droite sociale et populaire » , Pierre-Henri Dumont veut faire bouger les lignes dans son parti.

Dans un communiqué publié le 19 février, Aurélien Pradié jubile : « Depuis hier, nous sommes nombreux à partager une conviction : la droite populaire est de retour. » Pierre-Henri Dumont commente sur Twitter : « La reconstruction de la droite est un long chemin. […] Soutien à mon ami Aurélien Pradié ! »

Une question – que nous jugeons légitime – se pose : Aurélien Pradié et Pierre-Henri Dumont ont-ils profité de ces débats extrêmement médiatisés sur la réforme des retraites pour tenter un coup politique ?

Ses électeurs induis en erreur ?

La pratique est habituelle dans le jeu politique, même si elle jette le flou sur les réelles intentions du député : son souci des carrières longues est-il réel, ou alors n’est-il qu’un prétexte pour alimenter un coup d’éclat et nourrir des ambitions nationales ?

Mais une autre ambiguïté, bien plus grave, se trouve ailleurs. Pierre-Henri Dumont le sait, ce que rejettent majoritairement les Français, c’est le report de l’âge légal à 64 ans. D’après une étude de l’Institut Montaigne, publiée le 12 janvier, 7% des actifs estiment que l’âge de départ à la retraite n’est pas assez élevé. Dans le sens inverse, 93% d’entre-eux pensent qu’il ne faut pas repousser cet âge, dont 48% qui le trouvent trop élevé.

« Les Français au travail, dépasser les idées reçues ». Étude consultable sur www.institutmontaigne.org

Malgré tout, le député Dumont continue d’afficher une opposition qui n’a rien à voir avec l’inquiétude des manifestants, quitte à induire ses administrés en erreur sur sa position réelle. Dans le journal local Nord Littoral, il annonce par exemple : « je suis contre cette réforme » , pour les raisons expliquées plus haut. Mais s’agissant du report de l’âge légal à 64 ans, Pierre-Henri Dumont est pour. Dans le même article, il se contente d’un léger : « Travailler plus, pourquoi pas ».

Conclusion

En faisant du bruit sur la question des carrières longues, qui est un réel problème, Pierre-Henri Dumont est doublement gagnant. D’abord, avec Aurélien Pradié, il rend audible une ligne politique – celle d’une droite populaire – qui n’est pas celle de son parti : s’opposer pour exister. Ensuite, cette obsession du député pour les carrières longues lui permet de passer sous silence son consentement au report de l’âge légal à 64 ans… tout en se présentant comme un défenseur de la justice sociale.

Alors, y a-t-il tromperie de ses électeurs ? La réponse est non : la position du député Dumont sur le report de l’âge légal est publique. Mais elle est discrète : Pierre-Henri Dumont fuit le débat sur les 64 ans. Aussi, suite au choix du gouvernement d’activer l’article 47-1 de la Constitution, la réforme ne sera pas soumise au vote des députés, et nous ne saurons jamais si, oui ou non, Pierre-Henri Dumont l’aurait votée. À moins que les syndicats exigent de lui une réponse claire et nette, lors du débat qui aura lieu ce mardi 21 février, à la bourse du travail.

Valentin D.