Archives des Violence policière - Calais La Sociale https://calaislasociale.fr/etiquette/violence-policiere/ Reportages d’actions solidaires et sociales Thu, 14 Nov 2024 09:45:06 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.1 https://calaislasociale.fr/wp-content/uploads/sites/24/2022/10/Logo-Calais-La-Sociale-site-web-200x200-1-150x150.png Archives des Violence policière - Calais La Sociale https://calaislasociale.fr/etiquette/violence-policiere/ 32 32 Que fait la police et comment s’en passer ? Avec Paul Rocher https://calaislasociale.fr/2024/03/18/que-fait-la-police-et-comment-sen-passer-avec-paul-rocher/ Mon, 18 Mar 2024 16:30:00 +0000 https://calaislasociale.fr/?p=3996 Le 15 décembre dernier, le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin profitait d’une visite officielle en région pour annoncer la création prochaine d’un nouveau commissariat à Calais. Une nouvelle qui a, sans surprise, réjoui la Maire Natacha Bouchart, pour qui la sécurité a toujours constitué le fer de lance de la politique municipale. Alors, vraie ou […]

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Captation et montage réalisés par Valentin De Poorter et Pierre Muys le 15 février au Channel de Calais.

Le 15 décembre dernier, le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin profitait d’une visite officielle en région pour annoncer la création prochaine d’un nouveau commissariat à Calais. Une nouvelle qui a, sans surprise, réjoui la Maire Natacha Bouchart, pour qui la sécurité a toujours constitué le fer de lance de la politique municipale.

Alors, vraie ou fausse bonne nouvelle ?

Pour comprendre les enjeux cachés derrière cette question d’apparence simple, il convient de s’interroger sur ce que fait, ce qu’est réellement la police.

“Les policiers et les gendarmes nous protègent, et ils courent
derrière les voyous”
*

Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, le 24 juillet 2020


Cette affirmation est-elle vraiment juste ?
C’est ce qu’interroge l’économiste Paul Rocher dans son brillant dernier essai Que fait la police, et comment s’en passer, publié aux éditions La Fabrique en 2022.

En passant au peigne fin des centaines de références, travaux de recherche, statistiques économiques et analyses sociologiques, l’auteur s’attache à déconstruire l’inébranlable mythe policier, celui d’une institution “imparfaite mais nécessaire, au service de toute la société”*. Bien au contraire, il révèle, preuves à l’appui, sa nature profondément violente et inefficace au service d’un État autoritaire et sécuritaire.

Nous avons eu la chance d’obtenir un entretien public avec lui au Channel le 15 février dernier dans le cadre du cycle de rencontres Les Pieds dans le Plat.


Retour sur quelques fausses croyances.

Fausse croyance n°1 : “C’est parce que les forces de l’ordre manquent de moyens que nous assistons à la hausse des violences policières”.

Voilà un lieu commun absolument infondé statistiquement, contredit par plus de 30 ans de hausse des dépenses et des effectifs de police. D’après Eurostat, les moyens alloués à la police ont en effet connu une augmentation continue de près de 35% entre 1995 et 2019. Leur part dans le budget de l’État a même relativement plus augmenté que d’autres postes de dépenses pourtant essentiels tels que l’éducation, dont les dépenses ont seulement augmenté de 18% malgré l’arrivée de plus d’un million de nouveaux élèves sur la même période. Une tendance qui n’est pas près de changer avec le vote en 2022 au Parlement d’une augmentation de 1,5 milliard d’euros du budget de la mission Sécurités de l’État.

En parallèle, les effectifs de police ne se sont jamais aussi bien portés, avec un record de 282 637 agents en 2020 contre environ 216 000 dans les années 90, soit une hausse de près de 30%.

Bon à savoir : par rapport à la taille de sa population, la France dispose
actuellement de plus de policiers qu’un État autoritaire comme la RDA de 1962. C’est peu dire.

Fausse croyance n°2 : La multiplication des armes non-létales des
policiers permet de réduire la violence des interventions
”*.

Après avoir démontré l’ampleur des moyens alloués à la police ces dernières
décennies, Paul Rocher passe en revue ce qu’il appelle leur robocopisation
accélérée. Depuis 1995, en plus des nouveaux uniformes et véhicules, c’est la course à l’armement non-létal : flashball, flashball super pro, grenades de
désencerclement et pistolets à impulsion électrique, lanceurs LBD 40, grenades assourdissantes et bien sûr le très célèbre gaz lacrymogène ont fait leur apparition en intervention.

Que penser de tout cet attirail ?

D’après l’économiste, ces nouveaux équipements, supposés moins
dangereux, entraînent en réalité une modification du comportement de
l’utilisateur. Le caractère non-létal de l’arme, ainsi que sa grande disponibilité, au lieu de limiter la violence, incitent les forces de l’ordre à l’utiliser avec plus de facilité, plus de légèreté.

On constate donc une brutalisation exponentielle des interventions, alors même que du côté de la population, les déviances sont plutôt stables voire sur le déclin depuis 30 ans (et ce malgré les efforts ininterrompus des médias pour nous faire croire le contraire…!)

Quelques exemples chiffrés pour prendre conscience de ce que font, en France, les “gardiens de la paix” :

  • en 2014, plus de 600 grenades (soit près d’une grenade par militant écolo) ont été tirées lors de l’intervention sur le barrage de Sivens, qui a coûté la vie à Rémi Fraisse.
  • en 2018, plus de 11 000 grenades (8 000 lacrymo et 3 000 explosives) ont été tirées en 8 jours pendant l’évacuation de Notre Dame des Landes.

Fausse croyance n°3 : Le gonflement de l’institution n’est pas
l’expression d’un projet de réorganisation autoritaire du pays, mais
d’une évolution regrettable de la société
”*.

En examinant de près les statistiques officielles de l’État et de la police, Paul Rocher a constaté une anomalie : depuis 30 ans, les données officielles annoncent une hausse de la criminalité, alors que les enquêtes de victimation (censées présenter des chiffres plus élevés car elles contiennent également les crimes et délits non détectés par la police), elles, indiquent une stagnation dans les années 90 et une baisse depuis 2002.
Une incohérence que l’auteur a facilement réussi à expliquer : depuis le milieu des années 90, les lois ont considérablement été remaniées de sorte à étendre ce qui est reconnu légalement comme un délit par l’article 222-13 du Code pénal.

Ce qui apparaissait donc comme une augmentation de la délinquance en
France n’est donc en réalité que le résultat d’une manipulation (habile ?) des chiffres par les gouvernements successifs.


Par ailleurs, l’auteur questionne notre biais de classe en faisant appel à l’économiste français Gabriel Zucman. D’après lui, les statistiques de la police sont de toute façon biaisées, en ce sens qu’elles sont traversées par des conceptions stéréotypées de la société : elles ne font l’état que de certains crimes, commis par seulement certaines personnes. Quid de la fraude fiscale, sport de très très riches ? Des 100 000 décès
annuels liés à la pollution de l’air suite à l’inaction de l’État ? Des très nombreux cas de mort prématurée liés aux mauvaises conditions de travail, au chômage, aux privations ?

Finalement, qu’est-ce qu’un crime ? Et plus largement, qui sont les criminels ?

On l’a bien vu, manifestement, la police ne court pas derrière tous les voyous. Mais il en est certains qui attirent particulièrement son attention.

En poursuivant sa réflexion, Paul Rocher s’attache à dénoncer l’ampleur du racisme institutionnel au sein de la police. D’après lui, l’attention portée sur les rares événements de violence extrême (mentionnons par exemple l’assassinat de George Floyd à Minneapolis en 2020) tend à occulter la violence infinie du quotidien, le racisme ordinaire. Contrôles d’identité au faciès, harcèlement policier, violences physiques et verbales en intervention, propos intentionnellement racistes entre les policiers et même sur les réseaux sociaux…

Toute une panoplie de déviances infiniment graves, inacceptables et punissables qu’Emmanuel Macron tente un jour en interview de justifier avec panache en supputant que la police serait à l’image de la société, et que nous serions, il est vrai, dans une société où le racisme perdure.

Et si la société est raciste, elle est également sexiste.

Face à l’excès de zèle concernant les délits commis par une certaine partie de la population, Paul Rocher dénonce au contraire un ancrage très fort du patriarcat au sein de la police qui conduit à occulter farouchement certains autres crimes. Et il faut le lire pour le croire :

  • en 2018, l’enquête “PayeTaPlainte” indiquait que 60% des femmes qui avaient voulu porter plainte suite à une agression en avaient été – illégalement – empêchées par la police.
  • un rapport du Ministère de la Justice de 2019 indiquait que 65% des femmes victimes de féminicides avaient au préalable alerté la police des violences conjugales qu’elles subissaient.

Alors, police complice ?

Ce qui nous amène à la question suivante : la police est-elle réellement là pour maintenir l’ordre ?

Malgré la bonne volonté des gouvernements successifs en la matière, les
nombreuses tentatives pour prouver la corrélation entre l’augmentation des policiers et des moyens alloués à la police et la baisse de la criminalité ont échoué. Plusieurs études, notamment aux USA entre 2013 et 2016, ont même montré qu’une baisse des moyens peut très bien coexister avec une baisse de la criminalité.

Force est de constater, donc, que le dévouement et les largesses
exponentielles de l’État dans son budget sécurité sont bien le fruit d’un projet autoritaire d’envergure et non d’un apaisement de la société.

Pour expliquer l’ampleur de ce projet, Paul Rocher développe une hypothèse
passionnante : celle des origines capitalistes de la police. Le fait que “la naissance de la police moderne coïncide, et surtout s’articule, avec la formation du capitalisme français”*. Une police qui se serait donc développée au coude à coude avec l’industrialisation et la capitalisation de la France, pour répondre de manière toujours plus professionnalisée et violente aux révoltes et aux luttes sociales.

En disant cela, l’auteur va jusqu’à redéfinir la mission de la police. Pour lui, il ne s’agit pas de maintenir l’ordre, à savoir la paix. Il s’agit en réalité de
maintenir l’ordre établi : le fait que chacun reste bien à sa place dans la
pyramide des classes, et, surtout, que les opprimés restent en bas.

Et à Calais alors ?

Ici, à la frontière, l’oppression des forces de l’ordre s’exerce encore plus violemment sur les personnes exilées et s’accompagne de toute une théâtralisation de la force, dénoncée par Louis Witter dans son essai La Battue : l’État, la police et les étrangers. Un bal macabre et inefficace (50 000 traversées de la Manche en 2022 contre 1843 en 2019…), interprété par des brigades de CRS venues de la France entière le temps de deux ou trois semaines.

Toutes les 48h, les expulsions font rage et continuent de piétiner les dignités humaines, les frontières se durcissent grâce aux budgets sans fin injectés par les gouvernements français et anglais (100 millions d’euros déboursés en 2020 dans la mobilisation quotidienne des forces de l’ordre à Calais) et la liste des morts à la frontière n’en finit de s’allonger, dans une indifférence quasi totale (le 28 février dernier, une commémoration a été organisée pour honorer la mémoire de la 400ème personne morte à la frontière franco-britannique depuis 1999.)

Tant de décès, et de disparitions, qui ne sont pas des hasards, mais le fruit de politiques meurtrières orchestrées par l’État et exécutées quotidiennement par les forces de l’ordre.

Sachant tout ça : faut-il abolir la police pour abolir l’ordre établi ?

Une réflexion à découvrir au sein de la dernière partie du texte de Paul Rocher, qui questionne l’existence d’autres façons d’organiser l’ordre en société, de garantir la sécurité sans police.

Pour ce faire, l’auteur fait appel à deux exemples : celui, d’une part, de l’Afrique du Sud avec l’émergence dans les années 70 des makgotkas, des tribunaux citoyens rapidement remplacés par les comités de rue qui visaient à résoudre les conflits tout en réconciliant les personnes impliquées. Des instances qui, au contraire de ce que l’on peut reprocher à la police actuelle, étaient plutôt associées à des mouvements d’émancipation, de résistance populaire. Et celui, d’autre part, des comités de défense des citoyens en Irlande du Nord.

Alors, vaines utopies ou modèles inspirants pour réussir, enfin à faire société ?

Une réflexion à se poser collectivement, maintenant que nous disposons d’éléments fiables et nombreux pour ne plus douter du caractère plus qu’autoritaire de la police en France et de son rôle au service de l’État et de l’ordre. Un rôle de moins en moins ambigu, permis par des logiques d’oppression et de domination qui s’exercent jour après jour sur les mêmes personnes, espèces, minorités, classes et luttes.

À Calais comme ailleurs, il semblerait que ce ne soient pas les policiers qui manquent, mais bien la justice sociale. Et peut-être une pointe de révolte ?

*Toutes les citations sont extraites du livre de Paul Rocher
Que fait la police et comment s’en passer, Paul Rocher, La Fabrique, 14€

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Retour(s) sur la Marche calaisienne du 23 septembre https://calaislasociale.fr/2023/09/25/retours-sur-la-marche-du-23-septembre/ Mon, 25 Sep 2023 18:57:33 +0000 https://calaislasociale.fr/?p=2724 A Calais, le rendez-vous a été donné Place d’Armes à 14h30, où près de 100 personnes se sont réunies pour dénoncer le racisme systémique, les violences policières et pour marcher en faveur de la justice sociale et des libertés publiques.

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Le samedi 23 septembre a eu lieu près de 120 manifestations dans toute la France, suite à un appel national cosigné par 198 organisations, dont des partis politiques (EELV, NPA,LFI…) syndicales (CGT, Solidaires, FSU…) et collectifs (Vérité et justice pour Adama, Justice pour Nahel, Stop Violences Policières à Saint-Denis…).

A Calais, le rendez-vous a été donné Place d’Armes à 14h30, où près de 100 personnes se sont réunies pour dénoncer le racisme systémique, les violences policières et pour marcher en faveur de la justice sociale et des libertés publiques.

Dans un communiqué de presse et plusieurs fois le long de la marche, a été rappelé la symbolique de répondre à cet appel à Calais.

Calais est une ville modeste où la plupart des habitant·es de plus de 15 ans sont employé·es ou ouvriers. D’après l’INSEE, la proportionnalité des personnes disposant d’un diplôme d’enseignement supérieur est plus faible que celles et ceux qui ne disposent d’aucun diplôme.

C’est donc une ville touchée de pleins fouet par l’aggravation de toutes les inégalités dans un contexte économique d’inflation, de hausse des loyers et des prix de l’énergie.

La première prise de parole sur la Place d’Armes rappelle les répressions qui ont eu lieu lors du mouvement des Gilets jaunes et lors des mobilisations contre la réforme des retraites (notamment lors de l’occupation pacifique de l’A16).

« L’EXPRESSION ULTIME DE LA SOUVERAINETÉ RÉSIDE DANS LE POUVOIR SOCIAL ET POLITIQUE DE DÉCIDER QUI POURRA VIVRE ET QUI DOIT MOURIR ».

La deuxième symbolique dans la réponse à cet appel national fut au parc Richelieu, lieu de commémoration où se réunissent à 18h30 les habitants, habitantes et associations de soutien aux personnes exilées, au lendemain d’une annonce d’un décès dans la presse.

Ce lieu est devenu le symbole des politiques mortifères instaurées à la frontière franco-britannique, avec au moins 378 personnes exilées mortes depuis 1999. Il est aussi dénoncé les politiques de harcèlements, avec 1 700 expulsions qui ont été orchestrées en 2022 selon le rapport de l’association Human Right Observers.

Selon l’anthropologue Marta Lotto, la moitié des personnes exilées interrogées survivant à Calais auraient été victimes de violences physiques ou verbales par les forces de l’ordre en 2021. C’est donc des violences et du racisme systémique qui se perpétuent à la frontière depuis près de 30 ans.

“Je viens d’apprendre un nouveau mot hier en écoutant la radio. C’est la première fois que je l’entendais. Ce mot, s’adresse à l’Europe. C’est nécropolitique. Voilà, c’est tout ce que j’ai à vous dire, ce mot parle de lui-même. On pratiquerait en Europe une nécropolitique*. Moi ça me fait peur.”

Prise de parole de Daniel Chevrot poète et citoyen calaisien.

*De son étymologie, necros signifiant mort et polis signifiant cité en grec. Nécropolitique est un mot créé par le politologue et historien Achille Mbembe, signifiant que “l’expression ultime de la souveraineté réside dans le pouvoir social et politique de décider qui pourra vivre et qui doit mourir.”

Une autre citoyenne prit la parole pour rappeler qu’une manifestation fasciste, organisée par le groupe local “Sauvons Calais” s’était déroulée le 7 septembre 2014 sur le parvis de la mairie de Calais, en toute impunité:

“Ils ont pu dire tout ce qu’ils voulaient, j’étais présente. Il y a des gens dont je ne me souviens pas du nom qui ont appelé à faire une chaine téléphonique, pour signaler tous migrants sur la voie publique et appeler à venir les tabasser, pour débarrasser Calais des migrants. Et là, madame Bouchart n’a pas fait mettre des rochers pour empêcher cette manifestation. C’est un scandale qui devrait être rappelé tous les ans, car je ne comprends pas qu’une élue est pu laisser une manifestation fasciste se dérouler sur le parvis de l’hôtel de ville. Je voudrais que tous s’en souviennent. On doit avoir la mémoire de tout ça.”

La troisième prise de parole s’est réalisée rue Paul Bert, où furent déposés, le long de la berge près de 45 000 euros de rochers par la mairie de Calais afin d’empêcher les personnes exilées de s’installer. Ces mêmes rochers ont aussi été déposés quelques mois plus tôt, devant les forteresses de Vauban, nous protégeant au 15ème siècle des invasions anglaises. Aujourd’hui, cette forteresse est elle-même assiégée par des rochers, empêchant les touristes de stationner. “Tout cela à cause de la répression et du racisme” s’exclame Greg (militant LFI-NUPES et Gilets Jaunes).

Dans sa prise de parole sont dénoncés les conditions de vie des étudiant·es (1 sur 2 vit avec moins de 100 euros par mois), les 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, l’inflation, l’islamophobie, les ultra-riches, le capitalisme, la libération de la parole fasciste sans que celle-ci ne soit condamnée et la responsabilité du gouvernement dans toutes ces inégalités et injustices.

La marche s’est terminée à Nation avec la lecture d’un communiqué des grévistes d’Emmaus Grande-Synthe, où 23 femmes et hommes travailleurs et travailleuses ont entamé une grève depuis le 21 août dernier pour protester contre les traitements discriminants et dégradants qui leur sont infligés par leur direction. Une caisse de solidarité a été mise en place pour les soutenir par la CGT dunkerque.

UN CONTINUM ENTRE LES QUARTIERS POPULAIRE ET LES PERSONNES EXILEES

La marche aurait dû se terminer à Beau-Marais, mais cette dernière s’est terminée à Nation, faute de monde. Évidemment le choix initial de marcher jusqu’au quartier populaire le plus dense de Calais, est symbolique ; la mort du jeune Nahel a suscité dans toute la France beaucoup de colère, des manifestations ont eu lieu dans bon nombre de quartiers populaires avant d’être éteintes par la répression. Au Beau-Marais des protestations ont également eu lieu le 30 juin dernier. Des habitantes et habitants déploraient la réponse policière disproportionnée compte tenu des “pétards des jeunes”, d’après un article de la Voix du Nord. C’’est ce même sentiment d’abandon qu’est déploré quand on laisse le micro aux personnes concernées. Un sentiment d’impuissance et d’injustice.

L’enjeu national de cette marche était de mobiliser les quartiers populaires. Une semaine avant la manifestation, différents tractages ont été réalisé à la FAC, devant les lycées mais aussi au marché du Beau-Marais pour diffuser l’information et en discuter. Plusieurs personnes y ont apporté leurs soutien, regrettant de ne pouvoir se déplacer. Bon nombre de personnes étant “assignées à résidence” du fait de problèmes de santé, familles nombreuses, ou ayant un proche en situation de handicap dont il faut s’occuper.

C’est aussi cela dont il est question, quand on parle de justice sociale. Nous sommes dans un pays où des personnes sont plus sujettes aux vulnérabilités que d’autres, des personnes n’ayant pas forcément les moyens de faire garder leur enfants, des personnes à qui la santé est fragilisée du fait de conditions de vie ou de travail difficile.

Des personnes isolées, qu’on a mis là quelque part en périphérie de Calais et pour qui la liberté de circulation a aussi un sens.

Article : Jade Lamalchi
Reportage vidéo : Pierre Muys
Photos: Arthur Vleirick

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Gloire aux Zupiens – Chronique calaisienne https://calaislasociale.fr/2023/06/30/gloire-aux-zupiens/ Fri, 30 Jun 2023 14:24:51 +0000 https://calaislasociale.fr/?p=2288 Depuis trois nuits, ils arrêtent d'obéir à la vie qu'on leur impose pour dire « merde » un bon coup. [...]. Ce sont les personnes les plus sinistrées par les politiques publiques menées depuis les quarante dernières années. Quoi qu'ils fassent, on se fout de leur gueule, ils sont paresseux, bêtes et méchants.

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À la fin du rassemblement devant la sous-préfecture, le 28 juin, je parle avec Olivier des vacances d’été. On parle de la trêve dans la lutte sociale vers laquelle on est en train de tous se faire amener, sans avoir rien décidé. Olivier est enseignant, syndicaliste et militant à la Lutte Ouvrière. On est une trentaine, rassemblés contre la dissolution des Soulèvements de la Terre.

Constatant qu’aucun drapeau de l’intersyndicale ne flotte aux alentours, je lui demande pourquoi les syndicats ne viennent pas dans les luttes écologistes, pourquoi ils ne s’emparent pas de ces enjeux décisifs où s’impliquent majoritairement les militants les plus jeunes. Hormis par allégeance aux mots d’ordres émis par les représentants des confédérations, je ne comprends pas pourquoi des gens aussi durablement engagés, aussi magnifiquement impliqués dans la défense des conquis sociaux ne débordent pas du cadre du salariat pour soutenir des causes qui nous concerneront tous à plus ou beaucoup moins long terme. Ce rassemblement était par ailleurs organisé en soutien aux quinze personnes inculpées pour avoir participé à la manifestation de Sainte-Soline. Parmi ces personnes interpellées, il y a pourtant deux ou trois syndicalistes. « C’est comme ça » qu’on conclut, en se disant qu’un jour de toute façon ça changera, parce qu’on aura pas le choix.

Comme des collégiens, on se remercie pour l’année de lutte passée ensemble et on se dit au revoir, en attendant la rentrée prochaine. On se marre tout en se demandant quand même ce que sera le prochain rendez-vous qui nous fera ressortir mégaphones et pancartes. Quand est-ce que le gouvernement prononcera t-il une humiliation assez insupportable pour nous pousser à fabriquer de nouveaux rendez-vous populaires, à expérimenter d’autres initiatives citoyennes ? Olivier rigole en disant qu’à la fréquence actuelle des bourdes gouvernementales, on risque de marcher ensemble en août si ce n’est pas même en juillet. C’est drôle mais, de là à y croire, on n’y est pas.

Et puis je rentre monter les images d’un rassemblement qui a un peu débordé de ses revendications initiales. On y a parlé de la mort de Nahel, tué par la police la veille, à Nanterre. Jean-Pierre Moussally, élu municipal écologiste que je connais pour prendre le temps de mesurer chacun de ses mots a employé le terme « exécuté » qualifier du geste du policier devant notre petite assemblée. Le fait qu’il choisisse d’employer un terme aussi fort et catégorique m’a marqué.

La mort du jeune Nahel est un drame terrible. Mais à Calais, les personnes meurent plutôt souvent à cause de différentes politiques d’État. Je veux dire qu’on se réunit souvent pour rendre hommage et déplorer la mort d’une personne exilée noyée/écrasée/suicidée. Il y a à Calais une forme d’habitude quasi mensuelle à se réunir autour de ces morts injustes. Dire au nom des 370 cadavres qui se sont succédés depuis 1999 comme on est triste et dégoûté. Et puis recommencer pour celui d’après. C’est un rituel important, mais qui créé néanmoins moins l’émeute que le désespoir et l’abattement. Alors les morts de violences policières, bien que ce soit pas chez nous, il y en a eu aussi un paquet avant celle de Nahel, et souvent pour ce motif répété de refus d’obtempérer. Obéir ou mourir, le message est tellement clair.

Et puis là, j’apprends que la mort de ce jeune garçon de 17 ans a créé d’avantage que de la colère, elle a vraiment fait exploser de nouvelles révoltes. De partout, ça pète des vitrines, nique des bagnoles.
Ce sont les gens des banlieues qui s’insurgent, les bannis d’une lieue, les Zupiens qu’on les appelle ici à Calais pour rire ou mépriser des gens qui habitent dans une Zone à Urbaniser en Priorité (ZUP), construite après la guerre pour refonder le pays. L’émeute dont les médias parlent actuellement a lieu dans ces villes et quartiers dont le nom sert à humilier quelqu’un qu’on souhaite insulter, qu’on veut déclasser. «T’es habillé comme un zupien », qu’on se disait au collège pour trouver un plus pauvre que soi.

Ce sont des gens en lutte dont on parle pour l’instant sans jamais filmer aucun de leur visage ni diffuser aucune de leur parole. On ne dit d’ailleurs pas qu’ils manifestent. On parle d’affrontements, d’émeutes afin d’expurger ce conflit social de toute sa substance politique. Ce sont des gens qui sortent de leur tour et font exploser en gerbe une colère à coup de feux d’artifices habituellement utilisés pour célébrer les anniversaires de la prise de la Bastille – qu’on n’appelle d’ailleurs plus que « fête du 14 juillet » à présent.

Ces gens depuis trois nuits pètent un plomb, ils ne supportent plus de rester entre les murs de leur appartement HLM où on les fait demeurer. Ils veulent se montrer, se battre, faire chier, brûler des bazars, tenir tête aux flics faire arriver les pompiers. Des feux d’artifices pour célébrer le retour du service public et ses grands coups de pinpon.

Depuis trois nuits, ils arrêtent d’obéir à la vie qu’on leur impose pour dire « merde » un bon coup. La dernière fois, c’était en 2005. S’agit d’avouer que ça fait quand même longtemps. Ce sont les personnes les plus sinistrées par les politiques publiques menées depuis les quarante dernières années. Quoi qu’ils fassent, on se fout de leur gueule, ils sont paresseux, bêtes et méchants. Ils subissent toutes les injures qu’infligent le capitalisme : isolement, exclusion, insécurité, racisme, pauvreté, précarité, inégalité. De leur vie, ces gens ne décident de rien, sinon de se battre seul pour ne pas finir en marge ou en prison. Ils ne votent même plus.

Il ne s’agit pas aujourd’hui d’estimer, juger ou savoir si la révolte des quartiers est juste ou non, il ne s’agit pas non plus de commenter les modalités des moyens de lutte ou le degré d’instruction politique des participants. Il ne s’agit pas de savoir si ces gens sont dignes de bénéficier de notre honorable et bon soutien.

Il s’agit de comprendre les mécanismes qui rendent l’insurrection des plus pauvres inéluctables. Ils ne peuvent pas aimer un État qui les a tant persécuté, il est même logique que lors de ces soirées étoilées certains viennent à se venger de lieux qui ont participé à leur exclusion : écoles, centres commerciaux, commissariats, banques et Trésor public.

Peut-être bien qu’Olivier avait raison, peut-être bien qu’on marchera à nouveau ensemble en août, si ce n’est pas même en juillet.

Pierre Muys

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Un rassemblement après la décision du Conseil constitutionnel https://calaislasociale.fr/2023/04/14/rassemblement-spontane-contre-lavis-du-conseil-constitutionnel/ Fri, 14 Apr 2023 18:23:12 +0000 https://calaislasociale.fr/?p=1253 Le vendredi 14 avril, vers 18 heures, une cinquantaine de manifestant.es se sont retrouvé.es devant la mairie de Calais pour réagir à la validation de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel.

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Le vendredi 14 avril, vers 18 heures, une cinquantaine de manifestant.es se sont retrouvé.es devant la mairie de Calais pour réagir à la validation de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel.

Les prises de paroles syndicales, gilets jaunes et lycéennes se sont succédées au mégaphone autour d’une même colère. Des échanges parfois rudes ont eu lieu à propos de la répression policière. Certains gilets jaunes ont dénoncé un manque de soutien syndical à certains points de blocage.

Un point de vue plutôt rude émis par un collectif sans représentant et visant l’engagement de syndicalistes élus qui organisent, sensibilisent et manifestent quotidiennement depuis plus de trois mois.

Après une conclusion sur le devoir de rester aussi soudés que le camp d’en face, le rassemblement s’est ensuite constitué cortège pour manifester dans les rues de Calais-Nord jusqu’à la sous-préfecture.

📹Pierre MUYS

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Démocratie matraque https://calaislasociale.fr/2023/03/26/democratie-matraque/ Sun, 26 Mar 2023 21:51:54 +0000 https://calaislasociale.fr/?p=1201 Le jeudi 23 mars avait lieu la neuvième journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites. Neuf. Ça nous paraît finalement assez peu, les deux derniers mois de mobilisation furent si denses.

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Le jeudi 23 mars avait lieu la neuvième journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites. Neuf. Ça nous paraît finalement assez peu, les deux derniers mois de mobilisation furent si denses.

​On a pris le temps de regarder un peu en arrière pour faire les comptes. À Calais, les citoyen.nes ont eu le droit à 19 journées pour se rencontrer, discuter et se mobiliser contre la réforme et l’obstination comptable de ces gens qui nous imposent de bosser deux ans de plus.

« On est affamé de pouvoir citoyen, de puissance démocratique »

De notre côté, en tant que tout petit média bredouillant, 19 jours c’est costaud à couvrir en à peine plus de deux mois. On est étudiante, infirmière, intermittent, informaticien, professeur, maman et papas – et c’est un petit casse-tête pour trouver du temps pour l’exercice citoyen à côté de nos vies privées et celles qu’on subordonne à un employeur.​

On le fait car le contraire ne vaut définitivement pas le coup.

​On est affamé de pouvoir citoyen, de puissance démocratique. Couvrir des manifs, c’est retrouver des gens qui partagent ce même appétit. De n’en avoir jamais assez. On veut tous du rab d’égalité, de liberté, de fraternité. Et comme la vie souvent c’est pas longtemps, on se montre parfois un peu impatient.

« On voudrait la révolution citoyenne »

​On gueule contre le patronat, la complicité de l’État et même parfois sur nos amis syndicats (à quand une Assemblée générale calaisienne, tribune ouverte à tous ?). On voudrait la révolution citoyenne, la sécurité sociale partout, qu’on nous file un peu aussi la main dans cette grosse aventure à tout plein.

​Les jours défilant, la répétition des manifestations responsables, ces transhumances pacifiques sur de la musique pop finissent par lasser ou agacer certain.es manifestant.es qui nous lisent (et nous aussi, parfois, faut bien l’avouer).

​Des sentiments qui montent tant et si bien en puissance que jeudi, lors de cette 19ème journée de rassemblement, l’intersyndicale éconduite par le pouvoir exécutif dans son rôle d’interlocuteur a fini par céder aux pressions citoyennes pour une intensification du mouvement.

Tout amène le mouvement social à une confrontation

​Si le cortège calaisien est entré sur l’A16 c’est donc par la force des choses. Tout l’y a conduit. Parce que manifester en cortège discipliné ne permet plus de prendre part aux tables de discussions qui concernent d’avantage notre avenir que celui de ceux qui y participent (4,5% d’employés à l’Assemblée nationale, 0,9% d’ouvriers).

​On pourrait être 10 millions dans les rues que cela ne changerait peut-être pas grand chose. Tout amène le mouvement social à une confrontation inégale contre le mur d’enceinte qui nous sépare du pouvoir : la police armée.

​Après avoir sillonné dans tous les sens le centre-ville, après les brèves actions de blocages menées à l’aube pour ne pas trop gêner le contribuable, il s’agissait enfin de réaliser ce que la démocratie représentative peine cruellement à réaliser de nos jours : écouter le mouvement qui l’a porté pour le représenter. Il s’agit aussi de continuer à donner envie d’arborer le syndicalisme en pin’s, écharpe et casquette. Il s’agit de pouvoir affirmer avoir tout tenté, tout essayé.

« C’est le gouvernement qui radicalise le mouvement »

​Il s’agit de comprendre que c’est le gouvernement qui radicalise le mouvement. Que c’est lui par son obstination qui fait bloquer les autoroutes, fait jeter les pavés, que c’est lui aussi qui y répond en tabassant Philippe Decoster pour tous nous effrayer et nous convaincre de raccrocher et rentrer se coucher (son témoignage).

​Il s’agit comme Macron en parlait, lors de son interview en début de semaine, de transformer l’expression civique et citoyenne légitime en une réaction épidermique de meute :

« La foule qui manifeste n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime à travers ses élus. ».

Emmanuel Macron, interview télévisée du 22 mars 2023, 13h00

Faire croire au plus grand nombre que la lutte est inacceptable car violente. On enlève du combat social en cours toute sa substance politique et citoyenne.

​Si la police cogne avec tant d’application c’est parce que nous serions des anti-républicains, opposés à l’expression démocratique du Sénat et du rejet de la motion de censure, nous serions des enragé.es prêt.es à renverser le pays.

​Pour aller au bout, il s’agit pour le gouvernement en place de créer avec l’ensemble de ses outils l’escalade et la marginalisation de ceux qui persistent à s’opposer à cet ordre injuste. Et de suggérer dans une désespérante pirouette de retournement des valeurs que si la police cogne c’est parce qu’elle nous défend de notre fascisme.

​Pour qu’on comprenne mieux la pédagogie à coups de tonfa après celle du 49.3.

Pierre Muys.

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