Dans une vidéo, le nouveau député RN de Calais se met en scène sur un campement de migrants et agite les peurs. Une stratégie des passions, fondamentalement raciste, qui imprègne le discours du Rassemblement national.
« Parents, mamans, enfants se rendant à l’école ou au centre aéré, se retrouvent soumis à des agressions de la part des clandestins, voire à des tentatives d’agressions sexuelles. » Voilà ce qu’est venu dire Marc de Fleurian, député fraîchement élu, devant un campement de fortune comme il en existe des dizaines dans le Calaisis.
Le député évoque également des problèmes « d’hygiène et de salubrité publique ». Chez lui, les exilés sont constamment décrits comme des agresseurs et des violeurs. Des êtres malpropres avec lesquels il faut garder une distance.
Ce discours, présentant Calais comme une ville où règne l’insécurité n’est pas nouveau. En décembre 2023, après une visite à Calais, un autre député RN déclare : « Par peur des migrants plus personne n’ose sortir après 17h30 ».
Les hommes mentent, pas les chiffres
Ce discours d’une menace permanente ne repose sur aucune réalité. Les chiffres de l’INSEE montrent même que les taux de violence à Calais sont inférieurs à des villes voisines (et plus petites) comme Dunkerque ou Boulogne-sur-Mer, pour 90% des formes de violence.
S’agissant spécifiquement des violences sexuelles : les chiffres indiquent que Calais est au-dessus de Dunkerque et Boulogne-sur-Mer… mais en-dessous de Saint-Omer, Béthune ou Douai – où il n’y a pas de campements de personnes exilées.
Peu importe pour l’extrême droite qui se contente de rares faits divers dont elle fait une généralité pour marteler ce discours de la peur, d’une couleur de peau automatiquement synonyme de menace, d’insécurité.
« Ça vous donne envie d’aller vous asseoir ? »
Le député RN de Calais est en effet coutumier de cette suspicion au faciès. Le 23 octobre 2021, il publie une photo de personnes à la peau noire, assises sur les bancs du parvis de la gare de Calais. Il écrit : « Ça vous donne envie d’aller vous asseoir ? »
Dans la population, ce discours de la peur et de la suspicion s’installe et conduit à déplacer les curseurs politiques. La municipalité franchit des lignes rouges et, en même temps, offre sur un plateau des victoires à l’extrême droite.
Début 2024, la municipalité annonce par exemple qu’une étude est en cours pour lever la gratuité des bus à Calais… mais seulement pour les personnes qui ne résident pas dans l’agglomération. Un moyen détourné (et assumé) d’empêcher les migrants d’entrer dans les bus.
Le RN jubile. « Les élus du Rassemblement National se félicitent de cette décision qui ne fait que reprendre une de leurs propositions énoncée au conseil municipal dès 2020. Elle est l’application locale du principe de priorité nationale. »
Le RN crée les problèmes qu’il propose de résoudre
Et pourtant, l’adjoint en charge de la sécurité admet avoir enregistré, dans les bus, « peu de faits graves », mais évoque « beaucoup de courriers d’usagers » qui relèvent un sentiment d’insécurité. Pas des faits. Pas des expériences. Mais un sentiment. Des passions. La peur.
Ainsi l’extrême droite réussit, contre les faits et statistiques, en agitant les passions, à ancrer chez les gens l’idée raciste d’un lien direct entre la couleur de peau et la probabilité d’un danger imminent.
En conclusion : le RN crée le problème qu’il propose de résoudre.
Valentin De Poorter