En visite à Calais, le ministre de l’industrie, Roland Lescure, a annoncé le lancement de la mission « rebond industriel » dans le Calaisis. Le minimum du minimum pour un ministre qui ne veut surtout pas parler de désindustrialisation, un terme qui contredirait les éléments de langage d’un gouvernement qui chante la réindustrialisation. On vous raconte sa visite.
Roland Lescure, notre ministre de l’Industrie, est un homme plutôt sympa, un bon vivant. « Bonjooooour les amis ! », lance-t-il allègrement en sortant de sa voiture, sourire éclatant et démarche triomphante. On en oublierait presque que 3 usines ont fermé et qu’au moins 350 salariés ont été licenciés cette année. C’est franchement pas son problème. Lui, il est venu parler business. Le temps de serrer quelques pinces d’élus et il s’engouffre dans la sous-préfecture de Calais.
À l’intérieur, il est attendu par des élus et des chefs d’entreprises industrielles qu’il est venu motiver comme un capitaine dans un vestiaire. « On a vraiment une capacité à accompagner les territoires mais à une seule condition : que le territoire en ait envie. »
Une heure passe. Il se présente devant la presse, motivé comme jamais : « Il faut créer l’équipe de France de l’industrie… Et du Calaisis, madame le maire ! », balance-t-il à Natacha Bouchart, devenue en une phrase ministérielle la Didier Deschamps du beffroi de Calais, chargée d’emmener sa ville vers une nouvelle épopée… industrielle.
La victoire finale est encore loin, très loin. Mais le ministre est venu donner un coup de main. En effet, si Roland Lescure était à Calais aujourd’hui, c’était pour annoncer le lancement du « rebond industriel » dans le Calaisis. Ce dispositif consiste en deux points. D’abord, une étude financée par l’État pour identifier le potentiel du Calaisis en matière d’industrie. Ensuite, une enveloppe pour financer des projets qui sera au minimum de 1,5 million d’euros, voire plus selon les projets.
Franchement, c’est mieux que rien. Mais c’est pas très loin du rien quand même.
Bref, Roland Lescure est remonté dans sa voiture avec son grand sourire et est parti visiter Interor, une usine à Calais qui fait dans la chimie et où économiquement ça va plutôt bien.
Une heure plus tard, il a fait demi-tour et est revenu à la sous-préfecture pour rencontrer les femmes des salariés licenciés de Prysmian-Draka. Le ministre a écouté Sophie Agneray, la porte-parole du collectif, il a dit bravo pour le combat et est parti pour Amiens où les usines ferment aussi.
Les joueurs changent, les règles du jeu restent
Du reste, rien. Rien pour les salariés licenciés de Synthexim, de Meccano, de Prysmian, de Desseilles, de Catensys. Sans oublier les salariés des entreprises sous-traitantes, elles aussi emportées par la vague de désindustrialisation en cours. Rien pour protéger les salariés contre les patrons et les actionnaires qui abusent de leur pouvoir. Les règles du « jeu » resteront les mêmes. De nouvelles usines arriveront à Calais – peut-être – et les enfants des licenciés de l’année connaîtront le même sort : embauchés, exploités, licenciés. Parce qu’avec eux, la loi de la république, c’est la loi du plus fort.
Quant à notre Didier Deschamps du beffroi de Calais, on attend de voir la liste de ses sélectionnés. Sans nul doute y aura-t-il dans l’équipe de la nouvelle épopée des élus locaux et des chefs d’entreprises. Mais s’il n’y avait qu’eux, il manquerait la voix des actrices et acteurs principaux : les salariés. L’industrie du coin aurait beaucoup à y perdre, et pourtant tellement à y gagner.
Valentin De Poorter