« Je suis en grève de la faim car la situation des exilé·es est devenue insupportable »

Le 22 novembre dernier Pierre L., 63 ans, a commencé une grève de la faim à la Maison Sésame, lieu d’accueil principalement dédié pour les familles, les femmes, les enfants et les personnes vulnérables bloqué·es à la frontière franco-britannique.

La suppression des bornes d’incendie, empêchant l’accès à l’eau pour les personnes exilées, ainsi que la saisie de son camion et le déchirement des tentes, ont été les éléments déclencheurs de cette grève de la faim.

Bénévole depuis deux ans pour l’association SALAM, c’en est trop pour l’ancien boulanger qui réclame :

  1. Le ravitaillement en eau du camp par la sécurité civile.
  2. Le respect des associations qui travaillent dans le camp.
  3. Le respect de la loi hivernale entrée en vigueur en octobre.

« Le manque d’accès à l’eau tue sur le campement »

Lors de l’entretien, Pierre.L a partagé les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes exilées survivant dans un campement à Loon-Plage, notamment le non-accès à l’eau. La situation décrite soulève des préoccupations quant aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes. Elle peut également entraîner des conséquences tragiques comme cela a été le cas pour Mohamed A. retrouvé mort noyé, près de Loon-Plage, alors qu’il tentait de se doucher.

Pierre, souligne l’urgence d’agir pour garantir des conditions de vie décentes et sécurisées pour toutes les personnes, indépendamment de leur statut migratoire.

En 2022, l’association Solidarité Internationale a publié un rapport sur l’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement sur le littoral nord de la France.

Dans le Dunkerquois, aucune réponse institutionnelle n’a été apportée cette année-là, et aucune fontaine publique n’a été installée dans la zone où vivent les personnes exilées. Seule des cuves d’eau ont été installées sur le lieu de vie principal par l’association Roots, et des bouteilles et/ou jerrycans d’eau ont été distribués de manière ponctuelle par les associations.

En ce qui concerne l’accès aux douches, le rapport de Solidarité Internationale montre qu’aucun dispositif de douches publiques n’a été proposé dans la commune. Cependant, depuis 2021, la mairie de Grande-Synthe à permis l’accès à un gymnase utilisé par l’association Refugee Women’s Center (RWC) : « L’association organise un après-midi par semaine des créneaux de douches réservés aux femmes et à leurs enfants. Aucune solution institutionnelle n’existe pour les hommes et les MNA. »

Pour le RWC, le non-accès à l’eau accentue les violences liées au genre, puisqu’il n’existe aucun espace intime et approprié pour les femmes. Le Refugee Women’s Center rappelle l’importance de l’hydratation pour les femmes enceintes ou ayant subi des opérations médicales, ainsi que pour les nourrissons : « L’un des produits les plus demandés par les femmes sont des couches, pour éviter de sortir dehors la nuit pour aller aux toilettes.« 

Cependant, le non-accès à l’eau n’est pas le seul élément déclencheur de la grève de la faim de Pierre.

Pour le respect de la trêve hivernale et la fin des déchirements des tentes

Effectivement, Pierre dénonce également les expulsions quotidiennes sur le lieu de vie des personnes exilées, aggravées en période hivernale, d’autant plus que la trêve hivernale a débuté le 1er novembre 2023. Cette période est caractérisée par une interdiction d’expulser les locataires de leur logement, jusqu’à la fin de la trêve en mars 2023.

Criminalisation des associations, troisième élément déclencheur

Le dernier élément déclencheur pour Pierre a été la saisie de son camion le 19 octobre, alors qu’il distribuait des couvertures. Une saisie qu’il qualifie d’ « illégale », effectuée dans le seul but d’entraver ses distributions et le soutien qu’il apporte aux personnes exilées. Il a donc déposé une plainte pour contester cette saisie, mais celle-ci a été bloquée. Le 22 novembre 2023, il a entamé une grève de la faim.

Photo prise par Pierre lui-même

La suite ?

Une pétition a été réalisée pour donner de la visibilité dans son action et soutenir les revendications qu’ils portent.

Une conférence de presse est prévue mardi prochain à 18 heures à la Maison Sésame, 32 rue de la Petite maison bleue – 59470 Herzeele.

Article et entretien : Jade Lamalchi