Prysmian-Draka : la marche de la dignité ouvrière

Samedi 25 novembre.

ll est 14 heures. Devant les grilles fermées de l’usine Prysmian-Draka, la foule se réunit. Quelques jours plus tôt, la direction annonçait, à la surprise générale, la fermeture prochaine de ce site industriel qui fait dans les câbles et la fibre optique. Un nouveau choc pour l’industrie calaisienne, quelques mois après les fermetures de Meccano et Synthexim. Une série noire qui vaut désormais à la ville de Calais d’être qualifiée de “friche industrielle”. 

Au premier rang du cortège qui s’apprête à s’élancer dans les rues de la ville, les salarié·es de Prysmian, veste orange sur le dos, déploient leur banderole et rappellent les dégâts : “131 salariés sur le carreau ! Encore bravo et merci pour le cadeau de Noël !”. Avec eux marchent leurs familles et celles des employé·es des entreprises sous-traitantes : Kuehne-Nagel, ISS, Cap Energie, Eiffage. Certains acceptent de nous répondre. “Ils nous ont pris ce qu’on avait de plus précieux : notre travail. Ils mettent beaucoup de gens, beaucoup de familles sur le carreau” nous dit Marc, 25 ans d’ancienneté. “On a reçu un sms lundi matin… C’est très compliqué à gérer” complète Anne-Laure, sa conjointe, sans emploi. 

À leurs côtés, les représentant·es politiques et syndicaux s’expriment. C’est à eux qu’il appartient désormais de contredire le modèle économique et la vision politique portés par Natacha Bouchart à l’échelle municipale et Xavier Bertrand à l’échelle régionale. “On ne peut pas tout miser sur la logistique, on ne peut pas tout miser sur le tourisme. Il faut aussi miser sur l’industrie car l’industrie, c’est la valeur ajoutée d’un territoire, c’est ce qui fait le salaire des gens” défend Nicolas Vernalde, élu socialiste au conseil municipal. Une critique partagée par son collègue insoumis, Jean-Philippe Lannoy, qui renchérit : “Comment se fait-il que la maire de Calais n’ait pas un pied dans les entreprises et les usines importantes de Calais ? Il y a un problème ! C’est pas possible que la maire de Calais apprenne une fermeture d’usine comme nous dans la presse!” lâche-t-il. Les coups portés annoncent le ton d’un débat long et rugueux sur les causes et les responsabilités de l’effondrement en cours de l’industrie calaisienne. 

Chez Prysmian, la moyenne d’âge des salarié·es est de 53 ans, d’après les chiffres partagés par Grégory Agneray, délégué syndical CGT. La plupart des ouvriers sont entrés aux premières années de production de l’usine, en 1987. “Que vont-ils devenir ?” s’inquiète le porte-parole des futur·es licencié·es dans son communiqué lu avant le départ de la marche. “Nous allons maintenant rentrer dans une guerre. Et si Prysmian espère récupérer ses machines en un morceau, il rêve, menace-t-il. Il va falloir maintenant qu’ils nous traitent autrement que comme de la marchandise, ils vont devoir maintenant passer à la caisse. Je terminerai par une pensée pour nos conjoint·es, nos enfants, qui à travers nous subissent dans le silence ce choc violent et se posent mille questions sur notre avenir”.

Pierre Muys et Valentin De Poorter