À Calais, la démocratie vacille

Critiquer la municipalité de Calais vaut exclusion de l’espace public. Deux associations dénoncent « un pouvoir autoritaire et vertical » après leur éviction du forum des associations, prévu le 4 mars. La gouvernance de la maire de Calais, Natacha Bouchart, est directement mise en cause.

« La municipalité met de nouveau des bâtons dans les roues de deux associations calaisiennes » déplorent, dans un communiqué, les associations Citoyennes et Citoyens du Calaisis pour le Climat (4C) et Partageons la Rue. En effet, les deux associations n’auront pas le droit de présenter leurs activités au forum des associations, ce samedi 4 mars.

Un risque de « trouble à l’ordre public » ?

Pour justifier cette exclusion, la municipalité a invoqué « un trouble à l’ordre public » datant de septembre 2019, date du précédent forum des associations. « Les raisons invoquées sont des plus fallacieuses et invoquent des faits erronés. » ont répliqué les associations.

Ce jour-là, les « 4C » organisent une marche, autorisée par la préfecture, qui doit passer devant le forum des assos. « Les évènements qui se sont déroulés au Forum Gambetta, qui pourraient être en lien avec les actes reprochés par la Ville étaient une (courte) prise de parole, sur le parking. » indique le communiqué des associations. Rien de réellement troublant pour l’ordre public, semble-t-il.

La marche organisée par les 4C en septembre 2019 (crédit : Facebook des 4C).

Ce n’est pas la première fois qu’un tel conflit oppose les 4C à la mairie de Calais. En novembre dernier, la municipalité n’avait pas autorisé la présence de l’association sur la Place d’Armes. L’adjoint Philippe Mignonet s’était inquiété, dans le journal Nord Littoral, d’un nouveau trouble à l’ordre public : « on ne veut pas que ça vienne troubler un événement prévu de longue date par les services de la Ville. » avait-il avancé. Problème : l’événement en question commençait trois heures après le départ des « 4C » et deux rues plus loin. À l’époque, l’association avait dénoncé une « censure déguisée » .

« Un pouvoir autoritaire et vertical »

Alors, la municipalité de Calais redoute-t-elle réellement des troubles à l’ordre public, ou n’est-ce qu’un prétexte pour faire taire des associations qui dérangent ? Lors du dernier conseil municipal, la maire de Calais, Natacha Bouchart, a elle-même répondu à la question. « Le forum des associations, c’est pour toutes les associations, sauf si elles sont politiques. S’il s’agit de venir avec des tracts contre le plan vélo, là ça devient politique. » avait-elle déclaré, dans des propos rappelés par le journal Nord Littoral.

« Nous émettons régulièrement des critiques concernant les politiques publiques environnementales, trop peu ambitieuses, selon nous » assument les associations. « Nous envisageons la critique comme élément constructif et constitutif de la démocratie : nous priver de celle-ci relèverait d’un pouvoir autoritaire et vertical » regrettent-elles. Celles-ci indiquent cependant avoir « à maintes reprises, tendu la main pour travailler ensemble avec la Ville de Calais et l’agglomération » .

Natacha Bouchart, maire de Calais, février 2023.

Ce qui est « politique » semble déranger Natacha Bouchart et son équipe. Lors du dernier conseil communautaire, Philippe Mignonet utilisait la même rhétorique « anti-politique » pour s’en prendre à l’élue d’opposition Louise Druelle : « votre question n’a d’autre but que de mettre en lumière un positionnement politique » lui reprochait-il. Mais que fait-on d’autre que de la politique dans une assemblée municipale ou communautaire ? Et si l’on ne peut faire de « politique » ni dans l’espace public, ni dans les assemblées locales, où le débat démocratique doit-il avoir lieu ?

Natacha Bouchart n’est pas d’accord avec le désaccord

En interdisant ce qui est « politique » partout où elle le peut, la municipalité de Calais interdit le débat et censure les critiques à son égard. « Si on n’est pas d’accord avec elle [avec Natacha Bouchart, ndlr.], elle pense qu’on est contre elle, et elle refuse la contradiction » regrette un membre des deux associations, présent à la marche de septembre 2019.

À Calais, l’espace public et démocratique est ainsi fermé à celles et ceux qui osent émettre des critiques à l’égard de l’action municipale ou communautaire. En effet, l’expression d’un désaccord ou d’idées alternatives est empêchée ou réprimée. L’exclusion des deux associations du forum n’est autre qu’un acte politique visant à réduire la portée d’idées et de valeurs contraires à celles portées par la municipalité.

Cette manœuvre politique porte dangereusement atteinte à la liberté d’expression et d’opinion et à l’ensemble des principes démocratiques. À Calais, la liberté de parole n’est plus garantie par un pouvoir qui craint, non pas un trouble à l’ordre public, mais un trouble à son ordre politique.

Valentin D., avec la rédaction de Calais La Sociale.