Le 1er février 2025 a eu lieu la cérémonie de la première édition de notre festival de courts-métrages « 24 rochers par seconde » à la salle Pascal, à Calais. Ce fut pour beaucoup un moment de célébration cinématographique ainsi qu’une réflexion politique collective et festive.
Environ 150 personnes ont fait le déplacement, « un beau succès » d’après un retour du Nord Littoral
Calais belle l’Utopie européenne
La cérémonie à débuté par un discours à deux voix. A grand renfort d’éloges en toc des institutions, nous y avons souligné que le festival s’inscrit dans une opposition claires aux politiques sécuritaires ainsi qu’à la violence institutionnalisée générant l’errance et la mort.
Nous avons dit comment l’hospitalité est devenu acte de résistance à Calais. Nous avons raconter notre nécessité de refuser la honte imposée par l’Equipe municipale en place. Le cinéma, en tant qu’outil de lutte et de transformation sociale, est un moyen d’ouvrir d’autres imaginaires et d’affirmer que l’accueil est un droit fondamental.
treize films bricolés et engagés
Les films que nous avons projetés ont offert une diversité de regards et de récits, Ils explorent les thématiques de l’exil, de la solidarité et de la contestation sociale. À travers des esthétiques et des genres variés, ces œuvres ont permis à celles et ceux qui les ont fabriqué de reprendre parole, se réapproprier son discours et le faire entendre au plus grand nombre.
Un vote populaire,
un engagement collectif
Après la projection, nous avons invité le public à voter pour son film favori. L’atmosphère était empreinte d’échanges et de discussions passionnées, témoignant de la résonance de ces créations auprès des spectateurs. Le dépouillement du vote a précédé une prise de parole d’Arthur d’Utopia 56, qui a exposé les nombreuses entraves auxquelles sont confrontées les personnes exilées à Calais. Il a notamment dénoncé la fermeture du terrain BMX en octobre 2024, qualifiant cette décision municipale de stratégie visant à « expulser et détruire les lieux de vie en dehors de tout cadre légal ». Il a également évoqué les interdictions répétées des distributions de nourriture et les tentatives de la mairie d’interdire des manifestations solidaires, rappelant que « cette zone d’attente et la situation humanitaire ont été créées par ce gouvernement et ces politiques ».
Arthur a conclu en appelant à l’action : « Si des personnes ici dans la salle sont intéressées pour venir travailler avec nous ou devenir hébergeur et même solidaire, venez me voir et on peut en discuter ensemble. »
Citizen Dragon récompensé
Le point culminant de la cérémonie fut la remise du « Caillou d’or » à Citizen Dragon, réalisé par Julien Morel et Claude Weber, de la galerie indépendante Caléidoscope. Ce film, qui a su toucher le public par sa puissance narrative et son engagement, incarne l’esprit du festival : une création libre, bricoleuse et profondément humaine. « Citizen Dragon » est un conte muet en stop motion réalisé avec rage, tendresse, pions et bouts de papier qui raconte l’histoire d’un dragon en pate à modeler qui ne supporte plus les percussions exercées par les pions bleus sur des pions verts mis sans abri.
Lors de la remise du prix, Claude Weber a souligné l’importance de l’art et de la culture pour transformer Calais : « Nous pensons que par l’art et par la culture, Calais va s’en sortir par le haut et nous essayons d’y contribuer de notre mieux. » Il a également lancé une pique à la maire de Calais en déclarant avec ironie : « Madame Bouchard n’est jamais venue à la galerie… Maintenant avec ce caillou, on peut dire ‘Madame Bouche l’art’, parce que je crois qu’elle ne viendra plus !«
Julien Morel, quant à lui, a évoqué son engagement retrouvé : « Je me qualifie d’intermittent de l’engagement. Il y a longtemps que je n’avais pas fait grand-chose, et là, si j’ose dire, je suis content d’avoir apporté ma pierre, si j’ose dire, à la cause. »
Plus qu’une simple projection, « 24 rochers par seconde » a été une affirmation collective : celle que l’art, la vie, les gens, quand ils se réunissent restent des armes redoutables face aux récits dominants.
Captation réalisée par Julia Druelle.
Texte: Pierre Muys