Elles et ils étaient une trentaine hier pour l’édition calaisienne de cette parade à vélo lancée en Turquie et devenue en 10 ans un événement annuel international. Les 200 villes qui l’organisent entendent bien célébrer les femmes cyclistes et appeler celles qui ne le sont pas encore à enfourcher une bicyclette pour profiter du sentiment de liberté que procure ce moyen de transport écologique et économique.
Le parvis du théâtre se remplit doucement à partir de 16h30 ce dimanche, les vélos décorés arborent de gros tournesols, des boas fluos, ou encore des lianes de houblon. Les visages sont pailletés, les tenues colorées et, au milieu, deux cyclistes entonnent le Chant des Pirates à Vélo de la chorale À tantôt en Vélo : « Ielles débouleront en cascade, pour bloquer la route avec nous | Quatre de front sur leur biclou, dans la tornade des klaxonnades | Ne craindront pas les relous, prendront la place un point c’est tout ».
Prendront la place un point c’est tout
“Plus de femmes à vélo bordel !” C’est ainsi que Marlène Hagnéré, l’organisatrice de cette balade – salariée à OVS, militante et aventurière à vélo – ponctue sa prise de parole entre les rappels de sécurité et l’histoire de la parade.
Elle évoque aussi une critique qui lui avait été faite l’année dernière : il n’y aurait pas besoin de militer pour cette cause puisque en France les femmes ont parfaitement le droit de faire du vélo, “vous vous doutez bien que je ne suis pas d’accord avec ça”. L’occasion de rappeler qu’entre le fait d’avoir le droit de monter sur un vélo et le fait de pouvoir rouler en toute sécurité, de bénéficier d’installations adaptées, mais aussi de ressentir la légitimité de prendre cette place dans l’espace public, le gouffre est grand. On le voit bien avec l’exemple du sport : les femmes en France ont bien le droit de le pratiquer, mais dans les faits l’égalité n’est pas là, pas d’égalité dans l’accès aux sports (peu de clubs mixtes ou féminins), peu de femmes qui font de la compétition, pas d’égalité non plus en termes de reconnaissance dans le sport professionnel, entre autres. C’est pour cela que le droit ne suffit pas.
A ce propos, Coline me dit : “Je suis venue pour les paillettes… Bon, aussi pour réclamer plus de pistes adaptées aux femmes et aux enfants, les aménagements sont conçus par des hommes sans prendre en considération les besoins spécifiques des autres utilisatrices et utilisateurs. Les vélos cargos par exemple prennent de la place, ils se retrouvent souvent sur la route par manque de place sur les bandes cyclables – et ce sont souvent des femmes qui les conduisent, avec leurs enfants devant ! Il faut un bon tempérament quand même pour faire du vélo, on risque de se faire écraser, et quand on est une femme, on se fait insulter en plus !” Marlène souligne tout de même les progrès à Calais, sur la signalétique notamment, et la mise en place de zones 30, “mais ce n’est pas suffisant, il faut aller plus loin”.
La vélorution sera féministe
Anagramme de révolution, la vélorution est le nom d’un mouvement international qui cherche à encourager la population à se libérer de l’emprise des transports polluants dans les déplacements quotidiens. Prendre la place des voitures, voilà déjà un combat. Prendre de la place en tant que femme à vélo, en voilà un autre.
Apprendre aux femmes à faire du vélo autant qu’aux hommes c’est aussi un point évoqué par l’organisatrice. “Il y a environ 2% de la population française qui ne sait pas faire du vélo, et ces 2% sont majoritairement des femmes issues de l’immigration” quand on se rend compte à quel point le vélo est un facteur d’émancipation, il paraît important de lutter pour l’égalité sur ce plan là.
Je parle à Lucie qui est déjà partie en voyage à vélo “mais pas toute seule, c’est pour ça que les ateliers d’auto-réparation vélo de Marlène sont importants, ils nous donnent confiance, si on sait réparer on sait qu’on peut partir“. On évoque aussi le lien entre féminisme et vélo et elle me parle des groupes de cyclistes hommes qu’elle croise souvent le dimanche matin, avec une pointe de jalousie elle dit : “tu vois des groupes de nanas toi, faire du vélo le dimanche matin ? Non, c’est parce qu’elles sont à la maison à faire le poulet rôti pendant que leurs mecs roulent. Moi je veux qu’il y ait à Calais un groupe de rideuses du dimanche matin !”. L’appel est lancé !
FWBR is the new journée sans voiture
La journée sans voiture a peu à peu sombré dans l’oubli (une édition de “Paris respire” se tient tout de même chaque année), mais bonne nouvelle, la Fancy Women Bike Ride a lieu tous les ans le troisième dimanche de septembre, rendez-vous donc le dimanche 15 septembre 2024. Et d’ici là, sachez qu’à partir d’octobre c’est la reprise des ateliers d’auto-réparation en non-mixité à Opale Vélo Services avec Marlène, toutes les infos sont sur la page Facebook de l’association: https://www.facebook.com/ovs62.
Pauline S.