Hier, Nord Noir était à Paris, invité au MaMa Festival.
On les a suivis dans les rues de Pigalle avec les majorettes des Phoenix de Téteghem. Techno sèche, majorettes en synchro, blouses de travail marquées CALAIS en jaune vif — la typographie du port des années 90. Autour du mot, un fil de barbelé, tissé ici dès l’arrivée des premiers réfugiés.
Des masques en papier mâché, du bruit, de la sueur, des passants qui s’arrêtent sans trop comprendre. C’est un bout de notre ville qui défile, sans autorisation, boulevard Rochechouart.
Pas le Calais des dragons mécaniques et du tourisme en quatre par trois et vitrines. Le vrai, le nôtre : celui du taf et du chômage, celui des vies compliquées et des exilé·es traqué·es.
PRODUIRE LE REEL
Nord//Noir imprime un rythme fédérateur, pose un chant qui exhorte la galère. Le duo calaisien tourne à plein régime et ramène enfin ce qui manque souvent quand on parle d’ici : du réalisme. Pas ce rêve municipal forcé par une maire-présidente d’agglo payée 9 000 balles par mois, pas le storytelling à vendre des magnets de frigo.
Juste le réel.
Ils chantent ce qu’on vit ici — la fatigue, la honte, la rage, la dignité aussi. Tandis que tout est com », que la production culturelle fournit marchandise et prétexte politique, le geste artistique garde une fonction d’urgence : faire entrer la vérité là où le discours politique travestit ses mensonges.
La techno, les visages, les textes bruts disent ce que la mairie efface : la vie qui résiste, la beauté du dur, la colère qui pense. Le réel est une effraction.

ROYAL AU BAR
En fin d’après-midi, le défilé ouvrait la voie au concert du soir, sur la terrasse du Royal Bar. Et là, carton plein : des centaines de personnes, le trottoir noir de monde, la foule qui danse, qui chante, qui s’embrasse.
Le groupe est désormais accompagné par le tourneur Wart, celui de Zaho de Sagazan. Preuve que ça peut marcher aussi, à un moment, d’arrêter de raconter des conneries.

Nord Noir relaie la joie enragée du Calaisis. Fabrique le son de celles et ceux qui tiennent des tafs sans métier, qui subissent la casse sociale, la précarité, le mépris, la violence sexiste.
Une musique de survie, de travail et de fête mêlés.
Un after pour celles et ceux qui n’ont pas encore tout laissé tomber.
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Pierre Muys
