Une mobilisation encore en deçà malgré l’urgence


Le slogan est toujours le même depuis l’annonce des suppressions de postes chez Arcelor Mittal France : “Du métal sans Mittal”.
Ce vendredi 20 juin, à l’appel de la CGT, plusieurs centaines de personnes se sont réunies lors d’un meeting de convergence des luttes. Une mobilisation qui reste cependant faible compte tenu des emplois directs et indirects menacés sur le bassin dunkerquois. Si Arcelor tombe, c’est toute l’industrie qui chute avec, car l’acier est partout : automobile, transports, construction…

Sur le grand rond-point devant l’entrée de l’aciérie, un grand barbecue inaugure ce rassemblement. Un moment de solidarité où les luttes se croisent, à l’instar de quelques retraités allemands du syndicat IG Metall qui ont fait le déplacement depuis Duisburg. Dans cette région industrielle allemande, près de 11 000 emplois sont menacés par le groupe sidérurgique Thyssenkrupp. La crise de l’acier est bien présente en Europe, où les travailleurs comptent bien se battre jusqu’au bout pour sauvegarder leur avenir. Arcelor annoncera d’ailleurs ce jour-là l’annulation d’un gros projet de décarbonation en Allemagne, fragilisant encore un peu plus l’avenir du métal sur le continent.

Le mécontentement, lui, est visible jusque sur l’autoroute A16, depuis laquelle la fumée noire des pneus brûlés est aperçue. Le brasier trop intense aura raison de la signalétique et d’un poteau qui tombera en travers de l’entrée du site, comme un signe du destin…
La parole ouvrière s’élève, les solidarités s’expriment

C’est en début d’après-midi que les prises de parole commencent et s’enchaînent pendant plus d’une heure et demie. Sur la scène, une grande banderole est déployée annonçant la couleur : “Nationalisation totale et définitive, sous le contrôle des travailleurs”. Le délégué syndical Gaëtan Lecocq interpelle sur le fait “qu’ici on ne se bat pas pour 3200 emplois mais 3200 familles”. Les cégétistes sont venus de loin et en nombre pour apporter leur soutien aux travailleurs de l’aciérie, à l’exemple de Mathias Dupuis de l’Union Locale CGT de Dieppe : “C’est nous qui produisons les richesses, alors on doit récupérer notre outil de travail.”
La CGT Métallurgie parle de l’intérêt général que représente le combat des Arcelor pour subvenir aux besoins de la France. Un intérêt que comprend le secteur de l’énergie avec le cas de la DK6, qui transforme le gaz de l’aciérie en électricité et réduit ainsi la pollution. “Sans gaz sidérurgique, DK6 est condamnée”, et ce seront encore des emplois supprimés.
Ou encore, comme le démontre Charlotte de l’USD Santé, partout les travailleurs sont “sacrifiés sur l’autel de la compétitivité capitaliste”.
“La casse de l’industrie, c’est aussi la casse des services publics.”

Christelle, secrétaire générale de l’UL CGT Dunkerque, insiste sur le fait que le combat des travailleurs·euses d’Arcelor, c’est le combat de tous. “C’est un exemple type du combat qui doit être mené dans nos organisations syndicales.” Car oui, même si ce 20 juin est une réussite, il n’est pas encore à la hauteur : “il faut arriver à gagner l’implication de tous les salariés dans les entreprises en difficulté et recréer les solidarités ouvrières.” C’est ici que le vrai enjeu se joue.
Contre un système de rente, pour un avenir commun


La convergence des luttes, au centre de cette journée de mobilisation, n’en est qu’à ses débuts. Aujourd’hui, l’AFPA est en danger, la CGT Bénédicta appelle également à “défendre l’outil industriel et pas la défense d’un chèque”, ou encore Anasse Kazib qui interpelle, en martelant qu’il “ne faut pas laisser à nos enfants un avenir de guerres et de cimetières d’emplois.”

Toutes les prises de parole convergent pour l’amplification du mouvement à l’échelle nationale et à tous les secteurs, pour la souveraineté du pays. Il est temps de combattre un système pensé uniquement sur la rentabilité et au profit des plus riches.
Cédric Brun, de l’UD CGT Nord, rappelle d’ailleurs quelques chiffres. En 2024, c’est plus de 180 plans sociaux avec les licenciements de milliers d’emplois, pendant que le CAC40 se gave avec 98 milliards de dividendes. Le groupe Arcelor, à lui seul, a engendré 24 milliards de profits sur les deux dernières années, tandis que les actionnaires percevaient 12 milliards depuis 2021. Sans parler des subventions et des impôts non payés en France. Alors, pendant que les ouvriers·ières s’organisent, le propriétaire, Lakshmi Mittal, profite de 15 milliards de fortune personnelle et continue de faire la sourde oreille.
Mais il ne faut pas oublier que “si on a des richesses en France, c’est parce que les ouvriers ont de l’or dans les mains”. Alors “M. Macron, préparez-vous, car ici on est prêt !”.


L’injustice n’a que trop duré. “On ne peut plus accepter que nos entreprises ferment quand celles-ci génèrent des milliards et qu’on nous réduit nos salaires, notre RSA…” Les réformes du chômage créent toujours plus d’insécurité pour des travailleurs précaires ou/et privés d’emplois, comme le souligne Alexis Bordes du Comité National des Travailleurs Privés d’Emploi.
En ce dernier jour de printemps, même si l’heure est à la parole ouvrière, plusieurs politiques sont aussi de la partie, à l’exception du RN qui n’est pas le bienvenu. En effet, la nationalisation d’Arcelor ne saurait se faire sans relais politique. Comme les travailleurs, il est temps que les politiques fassent front commun pour défendre l’acier français. Un projet de loi transpartisane est d’ailleurs en cours d’élaboration pour la nationalisation du site.
Cette journée de lutte en appellera d’autres, et les salarié·es ont besoin de tout le soutien possible pour obtenir la victoire et pour l’avenir de l’industrie française.
Bilan de la journée : “Unissons-nous”.

Article et photos : Delphine Lefebvre
