
Par Delphine Lefebvre, le 12 juin 2025
Depuis le rassemblement de jeudi dernier, rien n’a changé et l’ARS (Agence Régionale de la Santé) est toujours aux abonnés absents. Les congés d’été ont, eux, déjà commencé, accentuant le sous-effectif des agents hospitaliers et dégradant encore plus leurs conditions de travail.
Après la restriction des carafes, c’est au tour des compotes et de la bière. “On enlève les petits plaisirs des résidents.”
Alors où va l’argent ? C’est ce que réclame la Syndicat CGT CH Calais, de pouvoir avoir des explications sur la diminution budgétaire.
Tous les ans, l’hôpital diffuse les 10 plus gros salaires, les plus hauts atteignant 30 000 € par mois.
“Ce n’est même pas ce que gagnent d’autres salarié·es sur l’année.”
Un écart injustifié, mais qui ne justifie cependant pas la baisse budgétaire en cours.
Ici, comme dans beaucoup de boulots, les corps sont mis à rude épreuve : problèmes de dos, genoux, poignets… sont monnaie courante. Comment tenir jusqu’à 64 ans dans ces conditions ?
À cela s’ajoute la pression du débit :
“Il faut qu’on devienne des robots, on n’en fait jamais assez.”
“On nous en demande toujours plus mais avec moins.”
Malgré les conditions difficiles, et « au dépend de notre santé, on garde quand même la conscience de l’humain, car on ne s’occupe pas de conserves mais de personnes humaines. »
Pour soulager un peu les services, plusieurs associations viennent s’occuper des patients ou apporter des moyens financiers, comme Les Blouses Roses ou AMEL (Association Mère-Enfant Littoral).
Des associations qui s’investissent beaucoup pour garder le côté humain que les hospitalier·es ont de plus en plus de mal à maintenir, faute de temps.
Souvent, d’ailleurs, les patients s’excusent de leur prendre du temps.
Autre problème lié au sous-effectif : il est plus compliqué de mettre en place des améliorations issues des formations. Cela rend ces journées superflues, malheureusement, et a découragé plusieurs membres du personnel d’y consacrer du temps.
Les aides-soignant·es vont quant à eux être formé·es pour donner les médicaments aux patients — une tâche normalement confiée au corps infirmier. Mais encore une fois, faute de temps, il faut bien déléguer.
L’après-Covid n’a en rien arrangé la situation de l’hôpital en France, comme on aurait pu l’espérer à l’époque. Pour la plupart :
“C’est un retour en arrière, voire même pire qu’avant.”
Exemple marquant : la loi Ségur, où l’État s’était engagé à verser 200 € par salarié·e — une prime bien minime au regard du travail fourni.
Mais cette mesure a eu un effet pervers : c’est l’hôpital lui-même qui a dû financer la somme, ce qui a encore creusé les budgets. L’État, lui, s’est déchargé de sa responsabilité.
Alors que la santé devrait être au cœur des enjeux de demain, avec une population vieillissante en France, celle-ci est pourtant abandonnée.
Un abandon qui pèse de plus en plus sur l’ensemble du corps hospitalier.
Un abandon renforcé en ce 12 juin par le vote du Sénat contre la “taxe Zucman”, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2 % sur les plus grandes fortunes.
Contre l’avis de 79 % des Français·es.
À l’heure où le gouvernement agite le mot dette à la moindre occasion, il ne faut surtout pas toucher au 0,01 % des plus riches — ceux-là mêmes qui se sont fortement enrichis depuis le Covid.
Pourtant, cet impôt aurait pu rapporter plus de 10 milliards d’euros et contribuer à sortir l’hôpital (comme l’éducation) de l’impasse.

Le manque d’affluence en cette quatrième journée de mobilisation en aura déçu plus d’un·e.
“Sur 2000 salarié·es et 300 syndiqué·es”, seule une quinzaine de personnes ont fait le déplacement devant le hall de l’hôpital.
En plus du sous-effectif qui empêche la mobilisation, il est aussi difficile de fédérer tous les métiers hospitaliers ensemble.
L’ARS a été relancée, avec l’espoir d’une réponse avant la fin du mois. Une non-réponse pourtant pas anodine : elle vise à essouffler le mouvement pendant les vacances scolaires.
La suite du mouvement reste incertain — contrairement à la détermination des travailleuses et travailleurs.