Plage de Calais : La mer à boire ?

Le PCF du Calaisis s’indigne. Dans un post publié sur Facebook, la section locale accuse une association « d’écologistes bretons » de nuire à la saison touristique en classant la plage de Calais parmi celles « à éviter ». Une réaction vive, presque outrée, face à l’initiative La Belle Plage, qui publie une cartographie indépendante de la qualité sanitaire des eaux de baignade en France, sur la base des données publiques de l’ARS (Agence régionale de santé).

Derrière cette sortie défensive, une question s’impose :
Qui sabote quoi ? Celles et ceux qui alertent sur la réalité des pollutions, ou celles et ceux qui préfèrent l’enrober ?

Deux façons de lire les données

L’ARS attribue chaque année une note officielle à chaque plage, en fonction d’environ 100 prélèvements réalisés pendant les étés précédents. Ce classement repose sur une moyenne glissante sur quatre ans, et neutralise certains pics de pollution jugés « exceptionnels ». Résultat : une plage peut être classée « bonne » malgré des épisodes répétés de contamination.

Profil de vulnérabilité des eaux de baignade de la commune de Calais page 35

La Belle Plage, de son côté, ne crée aucune donnée : contrairement à ce que veut faire croire le PCF du Calaisisis elle reprend les chiffres de l’ARS, mais les traite autrement. Elle considère chaque résultat comme significatif et calcule la proportion réelle de prélèvements conformes. Une méthode plus lisible, qui met en lumière les plages où les épisodes de pollution sont fréquents.

🧬 Pourquoi E. coli est surveillé ?

La bactérie Escherichia coli (E. coli) est naturellement présente dans l’intestin des humains et des animaux. Sa présence dans l’eau de mer signale une contamination fécale. C’est ce qu’on appelle une bactérie « indicateur » : on ne la cherche pas parce qu’elle est toujours dangereuse, mais parce que si elle est là, c’est que d’autres microbes potentiellement pathogènes peuvent l’être aussi.

Une eau de baignade contaminée par E. coli peut provoquer :

  • des gastro-entérites (diarrhées, fièvre, douleurs),
  • des infections ORL ou oculaires,
  • des infections urinaires,
  • des réactions cutanées (dermatites),
  • voire, dans de très rares cas, des complications rénales sévères, surtout chez les enfants ou les personnes fragiles.

C’est pour cela que des seuils sanitaires sont fixés par l’Union européenne. Si une plage dépasse trop souvent ces seuils, on ne parle plus d’alerte ponctuelle, mais de problème structurel.

Dans le cas de Calais, moins de 70 % des prélèvements sont jugés bons, ce qui entraîne une classification « à éviter ». Un signal d’alerte, pas une campagne de dénigrement.

Résultat des analyses de l’eau de baignade de la plage de Calais. 4 relevés en 2024 sont considérés comme moyen, présentant des taux relativement élevés de bactéries fécales type Escherichia Coli

D’où vient la pollution ?

Le profil officiel de la plage de Calais, révisé en 2023 par les services de l’État, identifie plusieurs sources de contamination bien connues :

  • Le réseau d’assainissement de Calais est partiellement unitaire, ce qui signifie qu’en cas de fortes pluies, les eaux usées domestiques et les eaux de ruissellement se mélangent, et peuvent déborder dans le port.
  • Les déversoirs d’orage situés dans les canaux et autour de la zone portuaire rejettent régulièrement des effluents insuffisamment traités.
  • La configuration du port, avec ses bassins fermés, retient les polluants en amont, et les courants peuvent rabattre les eaux sales vers la plage.
  • Le rapport évoque aussi des zones industrielles sans assainissement collectif, des eaux stagnantes, et des délais d’évacuation longs entre les canaux et la mer.
  • Enfin, la grande artificialisation du littoral (port, routes, zones industrielles) réduit les capacités naturelles de filtration du sol.

Autrement dit : la pollution n’est pas un fantasme de militant, elle est documentée par les institutions. Le vrai sujet, c’est de savoir ce qu’on en fait.

Ce n’est pas l’expertise qu’on remet en cause, c’est le silence

Le message du PCF local est regrettable, non pas par son attachement aux efforts des communes, mais par l’irresponsabilité qu’il suggère : défendre une stratégie économique et la sacro-sainte attractivité territoriale même au prix du silence sur un risque sanitaire réel.

L’initiative La Belle Plage ne conteste pas l’ARS : elle rend simplement visibles les failles d’un système d’évaluation qui privilégie les moyennes aux alertes, et l’image à la précaution. C’est une expertise populaire, pas militante : une tentative de clarifier des données opaques, pour que chacun et chacune puisse se baigner en connaissance de cause.

Alors non, ce ne sont pas « écologistes bretons qui sabotent la saison estivale ». Ce sont des gens qui lisent autrement les chiffres. Des gens qui refusent de considérer comme négligeable un tiers des analyses problématiques. Des gens qui pensent qu’un affichage sincère vaut mieux qu’un silence poli, même en pleine saison.