À première vue, c’est un projet de loisirs impersonnel comme il en pousse partout : 8 000 m² d’espaces ludiques, une franchise “Fort Boyard Aventures”, une promesse d’attractivité à deux pas de la gare. Mais derrière la façade d’Imagi’Parc, prévu pour 2027 à Dunkerque, plusieurs associations locales alertent : ce complexe serait l’un des chevaux de Troie d’un projet bien plus inquiétant.

Ce n’est pas tant le parc que son financeur qui pose problème. L’un des principaux actionnaires, via le fonds Otium Capital, n’est autre que Pierre-Édouard Stérin. Un nom qui revient de plus en plus souvent dans les enquêtes sur l’extrême droite économique et religieuse. Mediapart, L’Humanité, Le Monde : tous dressent le portrait d’un homme d’affaires ultracatholique, anti-avortement, exilé fiscal en Belgique, et engagé dans une stratégie de conquête politique, culturelle et idéologique.
Pour alerter sur les dangers de cette implantation, un collectif inter-associatif a rédigé une lettre ouverte à Patrice Vergriete, président de la Communauté urbaine de Dunkerque.


Cosigné par des collectifs, associations, syndicats et partis politiques de gauche, ce texte rappelle que le milliardaire n’agit pas seul : il orchestre une offensive globale, pensée et financée dans les moindres détails. Son plan “Périclès” (Patriotes Enracinés Résistants Identitaires Chrétiens Libéraux Européens Souverainistes) est doté de 150 millions d’euros pour faire infuser dans la société ses idées réactionnaires, via l’éducation, les médias, les think tanks et les formations de cadres politiques. Objectif affiché : faire tomber 300 villes. Avec, en coulisse, une “réserve” de 2 000 personnes prêtes à occuper les leviers de pouvoir.
“Il est possible de refuser la mainmise d’un tel individu sur nos loisirs, et éviter qu’un bon moment passé en famille ou entre amis ne serve à financer la mise sous cloche de nos libertés.”
À l’heure où Dunkerque célèbre la mémoire de sa Libération, accueillir un acteur aussi engagé dans une entreprise de régression politique et sociale interroge lourdement. La lettre ouverte évoque ces figures de l’avant-guerre comme Alfred Hugenberg ou François Coty, milliardaires d’hier qui, par leurs financements, ont abondamment nourri le feu des politiques fascistes du XXe siècle.

Ce qui se joue ici dépasse de loin un parc d’attractions. C’est une bataille pour l’espace public, pour l’imaginaire, pour la démocratie elle-même. Et comme souvent, le combat contre le fascisme commence bien avant qu’il ne s’affiche en uniforme. Il commence dans les contrats d’aménagement, dans les alliances économiques, dans le silence des maires.
Camille Ringot