Entretien avec Cyrille Robert, délégué syndical CGT
L’année dernière, Calais la Sociale rencontrait Cyrille Robert au début d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé chez Catensys, ex-Schaeffler, fleuron industriel calaisien spécialisé dans la fabrication de chaînes de distribution pour moteurs thermiques. Un an plus tard, nous sommes retournés prendre des nouvelles. Si le PSE s’est déroulé comme prévu sur le papier, la suite s’annonce tout aussi sombre.
Le plan social bouclé avec un an d’avance
Les 73 suppressions de poste prévues par le PSE ont bien eu lieu… mais plus tôt que prévu. Initialement étalées sur trois vagues – 19 départs en mai 2024, 34 en avril 2025, puis 20 fin 2025 – les départs ont été accélérés. « On a ouvert la possibilité pour celui qui trouvait un CDI de quitter l’entreprise entre les vagues », explique Cyrille Robert. Résultat : au moment de notre échange, seuls trois salariés concernés étaient encore en poste. Ils quitteront l’entreprise d’ici la fin du mois.
Si cette anticipation a pu permettre à certain·es de rebondir, les perspectives sont loin d’être rassurantes : « Les copains qui sont partis à Arcelor pensaient avoir trouvé mieux, et quinze jours après ils étaient au chômage partiel. Ils ont quitté une boîte qui va mal pour une autre qui va mal », résume amèrement Cyrille. Parmi les destinations des ex-Catensys, on retrouve aussi Verkor (usine de batterie électrique basée sur Dunkerque), des commerces indépendants ou des créations d’auto-entreprises.
Une usine sans avenir ?
Chez Catensys, la désindustrialisation se poursuit. « On est 173 aujourd’hui. Mais le nouveau directeur nous a dit que ça faisait trop, qu’il fallait redescendre entre 120 et 140 personnes », indique Cyrille Robert. Un nouveau plan social se profile, sans annonce officielle à ce stade. La stratégie de la direction est claire : faire partir sans payer. « ils nous ont qu‘un PSE, ça coûte trop cher. Si ils peuvent faire partir les gens sans accompagnement et sans argent, ça serait mieux », résumé Cyrille pour synthétiser le projet du nouveau dirigeant, Mark Haberkorn.
En parallèle, l’entreprise vide ses ateliers : certaines machines ont été discrètement envoyées en Inde et en Chine lors d’un week-end organisé pour les élus du CSE. « hasard du calendrier », a affirmé la direction. « Nous, on n’y croit pas », répond Cyrille. D’autant que les engagements du PSE – retour de production depuis la Slovaquie, découpage de plaques à Calais – n’ont pas été tenus. « Tout ce qui était annoncé… ils font l’inverse. »
Une direction offensive, des pouvoirs publics absents
Pour le syndicat, il ne fait plus aucun doute que l’avenir du site est scellé : fermeture progressive, délocalisation des activités, absence de nouveaux projets. Pourtant, aucun acteur institutionnel ne semble s’en émouvoir. « L’année dernière, on n’a même pas été invités au plan “Rebond industriel” de la sous-préfecture, alors qu’on était en plein PSE. » Venue sur site six mois plus tard, la sous-préfète n’a rien apporté de concret. Quant à la maire de Calais, Natacha Bouchart, elle n’a même pas honoré le rendez-vous prévu. « Aucun soutien pour les salariés » avait résumé Cyrille dans un discours prononcé lors de la manifestation du 1er mai.
Syndicalisme de survie
Dans ce contexte, quel est le rôle de la CGT ? « On veut que l’entreprise dure le plus longtemps possible. On court pas après une prime de licenciement, on court après le travail », insiste Cyrille. Face à une direction qui demande aux syndicats « d’accompagner » la vente des machines et des bâtiments, la réponse est ferme : non. « Il n’y a que lui qui est d’accord avec son projet. »
Le combat se poursuit aussi sur les salaires : malgré les difficultés, des NAO sont en cours. L’année dernière, une grève avait permis d’obtenir 3 % d’augmentation. Cette année encore, la tension est à son comble.
En attendant, Catensys survit. « On va mourir à petit feu, comme Meccano », craint Cyrille. « Espérons juste que ça tienne encore un peu. Et qu’on reste unis, comme on l’a toujours été. »
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Pierre Muys