On déclare nos impôts avec la CGT finances publiques !

Jeudi 24 avril, sur le marché d’Avion, entre les étals de fruits et légumes, des tables ont été installées pour une autre mission : aider les gens à remplir leur déclaration de revenus. Une initiative baptisée « Impôts du cœur », menée par la CGT Finances Publiques 62. Face à la disparition du service public, les syndicalistes ont rétabli, l’espace d’un matin, un guichet en plein air.

« Où est passé l’État ? »

« Aujourd’hui, on organise les impôts du cœur à Avion », explique Amandine Koslowski, co-secrétaire départementale de la CGT Finances Publiques. « Les gens ont perdu leur service public de proximité, et on essaye de leur en redonner un. »

Avion n’a plus de trésorerie. D’abord transférée à Liévin, puis à Lens, la gestion fiscale locale a fini par disparaître. « Pour la taxe foncière, maintenant, tout se gère à Saint-Omer », témoigne Jean Létoquart, maire de la commune. Résultat : les habitants doivent se débrouiller seuls, souvent en ligne. Mais l’autonomie numérique est une illusion.

« Il y a une grande partie de la population qui est en difficulté avec Internet», note Julien Aleksanderek, également co-secrétaire du syndicat. « Ce n’est pas parce que 99 % des foyers sont fibrés que les gens savent s’en servir. »

Un écran de fumée numérique

La numérisation massive est présentée comme une modernisation. Mais pour les usagers, c’est souvent un abandon. Le site plante, le téléphone vous promène : “appuyez sur 1, 2, 3, 6, 9… C’est Une file d’attente déguisée déplore Julien, tout ça pour qu’à la fin on vous dit de rappeler demain si le probleme à résoudre prend plus de 10 minutes », explique-t-il. « On parle de simplification mais la réalité c’est que c’est de plus en plus compliqué. »

Privés de rendez-vous physiques, les usagers se retrouvent seuls. Certains viennent juste pour être rassurés. « Ils n’ont pas forcément des choses compliquées à déclarer, mais ils ont besoin d’être accompagnés. Et c’est normal. »

Trésoreries rasées, agents broyés

Dans le Pas-de-Calais, il existait autrefois 51 trésoreries. « On a réduit ça à peau de chagrin », résume Amandine Koslowski. Cette politique de suppression n’a pas seulement désorganisé l’accès au service : elle a aussi abîmé les conditions de travail des agents.

« On est de moins en moins à subir la charge », résume Julien. « Il y a de plus en plus de burn-out. »

Sous la tonnelle il nous confie : Depuis janvier 2024, six suicides et quatre tentatives ont été recensés dans les services des finances publiques. Les syndicats parlent d’un climat managérial toxique. Les méthodes de pilotage, héritées de cabinets comme Accenture, évoquent cruellement la période France Télécom.

Et quand des responsables de service ont des comportements nocifs, « au mieux, on les déplace ailleurs. Au pire, c’est l’agent qui est déplacé par les élus syndicaux pour être protégé. » Aucun suivi, aucune sanction. Ce mécanisme de non-responsabilité fait écho à d’autres situations dans la fonction publique, notamment à celle de Stéphanie Way, agent territoriale dans le Calaisis, qui dénonçait elle aussi une culture de l’impunité face aux violences hiérarchiques.

Ne pas attendre, faire

Sur le marché, les syndicalistes installent les formulaires, aident à remplir, envoient les déclarations, et font signer une pétition pour le retour de guichets. Mais ils refusent d’être considérés comme des remplaçants.

Ils rappellent que leurs missions vont bien au-delà de l’impôt : gestion des recettes des hôpitaux, exécution des budgets des communes, paie des agents publics. « on est quand même utile à la société malgré tout ce que veut faire croire le gouvernement… » Conclut le syndicaliste

Ce jour-là, ce n’était pas une action symbolique. C’était une opération concrète, lucide, populaire. Une démonstration de force tranquille.
Et une leçon politique: On n’est pas obligé d’attendre que l’État revienne.

Pierre Muys