La commémoration au parc Richelieu marquant le 56e décès de l’année souligne le drame humain qui se déroule chaque jour sur les côtes de la Manche. 2024 s’affirme comme l’année la plus meurtrière pour les personnes qui risquent leur vie dans les traversées à la frontière franco-britannique.
Ce lundi soir est pluvieux et les citoyens et citoyennes se massent une fois de plus cette année entre les flaques de l’entrée du parc Richelieu de Calais. Les lumières des téléphones illuminent un crépuscule d’automne qui ne parvient pas encore à occulter la présence ritualisée de cette irréductible assemblée. Des échanges dans la foule rappellent que chaque vie perdue n’est pas qu’un chiffre, qu’elle contient une histoire, qu’elle laisse une famille brisée, un rêve éteint. La foule se recueille, comme elle le fait depuis plus de dix ans le lendemain de la mort d’une personne exilée. Elle honore ce soir cet homme de quarante ans, un indien qui a payé la veille le prix ultime pour la recherche d’une vie meilleure. Dans ce rassemblement, la solidarité vient puiser son sens.
Ensemble, ils quittent la place et se dirigent en un cortège lent et silencieux vers le rond-point de la mairie, où le mot « solidarité » a été bricolé récemment par une installation des services techniques municipaux. “Solidarité”. Ce terme, pourtant chargé d’espoir, cache ici la réalité tragique d’une chasse à l’homme aussi quotidienne qu’implacable, mais aussi la communication placardée pour ne pas dire la politique qui a causé hier la mort d’une 455 eme personne dimanche dernier [nous sommes à 459 au moment où j’écris ces lignes].
Le rassemblement s’arrête devant l’enseigne au mot creux et décide d’y ajouter quelques mots bien remplis. On lit désormais « solidarité avec les sans-papiers » comme un mot d’ordre rageux hurlés devant l’imposante enceinte d’une mairie fermée et éclairées aux lumières d’octobre rose.
Texte et photo : Fernand Nicole