Un plan climat, c’est quoi ?

Adopté par le conseil communautaire de l’agglomération Grand Calais en octobre 2022, le plan climat est soumis à l’observation du public jusqu’au 15 juillet, comme le prévoit la loi. Christian Louchez, de l’association Citoyennes et Citoyens du Calaisis pour le Climat (4C) nous explique à quoi sert un plan climat et nous parle des enjeux climatiques pour le Calaisis.

Son nom complet : le Plan Climat-Energie-Territorial (PCAET), « obligatoire de par la loi pour les agglomérations de plus de 50 000 habitants » nous explique Christian Louchez. « C’est un document d’orientation, c’est-à-dire qui définit sur les dix années à venir comment le territoire va s’adapter à l’évolution du climat. » détaille le militant écologiste.

Un plan en plusieurs étapes

Dès 2010, un plan climat était obligatoire pour les communes de plus de 50 000 habitants, ce qui était le cas de Calais qui a adopté le sien en 2014, valable jusque 2020. Depuis 2015, l’échelle a changé : c’est au niveau de l’agglomération qu’un plan climat doit obligatoirement être élaboré en différentes étapes :

  • Le diagnostic
    « C’est-à-dire on fait l’état des lieux du territoire en question. » explique Christian Louchez. Sur le plan énergétique par exemple.
  • La stratégie
    « Ensuite, à partir de ce diagnostic, les élus – parce que ce sont les élus qui décident – définissent une stratégie en fonction de plusieurs scénarios que le diagnostic pouvait permettre de proposer. »
  • Le plan d’actions
    Celui de l’agglomération Grand Calais Terres et Mers est disponible en cliquant ici.
  • L’évaluation

Un plan climat pas à la hauteur de l’urgence climatique

Selon le militant des « 4C », le plan climat tel qu’il a été pensé jusque là n’est pas à la hauteur : « ce qui devrait être le cas et ce qui ne l’est pas malheureusement pour l’instant, c’est que cet outil politique devrait être majeur » déplore-t-il. « Ce plan climat, dans la situation d’urgence climatique dans laquelle on est, devrait être la feuille de route de notre territoire » poursuit-il, dénonçant au passage l’absence « d’implication et de concertation de la population » .

Ce qu’il attend de la communauté d’agglomération ? Qu’elle prenne à bras le corps l’organisation du territoire sur la question du climat, qu’elle soit « le pilote de l’avion » ironise-t-il. « À mon avis, au niveau du plan climat, c’est vraiment : fédérer les initiatives qui existent, les acteurs qui travaillent dans ce domaine-là et puis surtout, vraiment descendre dans l’arène je dirais, porter politiquement au niveau de l’agglomération cette question là, explique Christian Louchez.

Une consultation citoyenne jusqu’au 15 juillet

Depuis le 15 juin et jusqu’au 15 juillet 2023, il est possible pour le grand public d’adresser des observations sur le plan climat établi par l’agglomération. « À l’issue de la consultation, le projet de PCAET sera éventuellement modifié pour tenir compte des remarques et avis et sera soumis à l’adoption du Conseil Communautaire de Grand Calais Terres & Mers. » lit-on sur le site de l’agglomération.

Tous les documents nécessaires à la consultation ainsi que les modalités de contact sont disponibles à cette adresse.


L’entretien complet

Calais La Sociale
C’est quoi un plan climat ?

Christian Louchez
Un plan climat, c’est un document d’orientation, c’est-à-dire qui définit sur les dix années à venir comment le territoire va s’adapter à l’évolution du climat. Donc c’est un document obligatoire, qui est obligatoire de par la loi pour les agglomérations de plus de 50 000 habitants. Et il y en a même d’autres qui se décident à faire un plan climat même si elles n’ont pas cette limite-là, par choix. Ce document se situe au niveau de l’agglomération dans son ensemble, et il est censé planifier le développement économique mais aussi la pollution de l’air, le développement des énergies renouvelables, qui est absolument nécessaire, le contrôle aussi de notre niveau de consommation énergétique global, aussi bien individuel que des collectivités ou des entreprises. C’est ce document qui permet aussi de recenser, dans la société civile on va dire, mais aussi au niveau des communes, ce qui est fait dans ce domaine-là et qui permet l’adaptation des populations au changement climatique.

Alors, qu’est-ce qu’il contient ? Il contient globalement, car c’est ce qui est défini par la loi, d’abord un diagnostic. C’est-à-dire on fait l’état des lieux du territoire en question. Sur tous les plans, sur le plan énergétique : sa consommation énergétique, etc. Aussi sur le reste : comment le territoire est organisé, au niveau de la part des terres agricoles, mais aussi le développement économique tel qu’on le connaît, et urbain : c’est-à-dire, quelle est la partie du territoire qui est véritablement bétonnée, ou du moins artificialisée comme on dit habituellement. Ça c’est le diagnostic. Ensuite, à partir de ce diagnostic, les élus – parce que ce sont les élus qui décident – définissent une stratégie en fonction de plusieurs scénarios que le diagnostic pouvait permettre de proposer. Suite à ça, un plan d’actions est défini et ensuite il y aura une évaluation. Voilà, un plan climat c’est ça. 

« Notre territoire est un des plus menacés en France »

Ce plan climat, dans la situation d’urgence climatique dans laquelle on est, devrait être la feuille de route de notre territoire, ce devrait être un outil majeur qui définisse, comme je l’ai dit, le développement futur mais en tenant compte de tous les enjeux qui sont les nôtres. Et ces enjeux sont particuliers, je veux dire que notre territoire est un des plus menacés en France, par rapport à la fois au risque de submersion marine mais aussi au risque d’inondation puisqu’on est dans un polder. Et cet outil justement, le plan climat, ne va pas résoudre comme ça, en claquant dans les doigts, le changement climatique, mais ce qui est important, ce qui devrait être le cas et ce qui ne l’est pas malheureusement pour l’instant, c’est que cet outil politique devrait être majeur. D’abord parce qu’il permet de fédérer les initiatives qui existent, parce qu’il en existe, aussi bien sur le plan associatif que sur le plan des entreprises, des entreprises qui vont dans le sens de l’adaptation au changement climatique. D’entraîner aussi les gens pour qu’ils aillent dans le sens… notamment lorsqu’ils créent à partir de projet de vie qu’ils ont, un projet d’entreprise, eh bien il faudrait que ce projet intègre justement ces obligations. Ce qui fait que le rôle de la collectivité devrait par exemple être aussi de prendre ça à bras le corps et d’être le pilote de l’avion si je puis dire. C’est-à-dire qu’il y a des expériences qui se passent à droite et à gauche, il se passe des choses, mais chacun agit un peu dans son coin et le plan climat devrait être là pour coordonner tout ça et donner un peu de sens et d’élan à toutes ces politiques quoi. Et en plus ça concerne l’ensemble des politiques qui sont menées localement. 

Calais La Sociale
Tu parles d’un territoire, de qui on parle, de quel territoire on parle précisément ? 

Christian
Alors globalement, pour le plan climat, c’est l’agglomération qui définit le plan climat. Mais ce serait pertinent, parce qu’il y a d’autres plans climat, par d’autres collectivités, pas très loin d’ailleurs – la communauté de communes de la région d’Audruicq en a un – ce serait pertinent que cette réflexion globale et cette orientation se passe au niveau de l’ensemble de ce qu’on appelle le pays du Calaisis, c’est-à-dire les intercommunalités entre Audruicq, Guînes, Ardres et puis Calais. 

Calais La Sociale
Et toi, ce que tu dis, c’est qu’il faudrait que tous ces plans climat là soient concertés pour faire un plan climat inter-agglomérations ? 

Christian
Ça pourrait être ça, ou au niveau du pays bien sûr. Ce serait pertinent dans un futur assez proche où on devra relocaliser beaucoup, et puis peut-être réinstaller une agriculture qui soit plus localisée puisqu’elle va nourrir plus directement, dans un futur pas forcément éloigné, les populations vraiment proches, il serait pertinent qu’il y ait une relation qui soit mise entre les secteurs ruraux qui sont autour de l’agglomération, et l’agglomération elle-même. 

« Il n’y a pas d’implication et de concertation de la population »

Je sous-entendais que ce qui devrait être un outil vraiment majeur pour nos générations, pour les générations futures, c’est qu’il faudrait que ce soit partagé par la population. Qui a entendu parler du plan climat ? Est-ce que vous avez entendu parler de ce plan climat ? Et qui sait qu’il y en a eu un entre 2014 et 2020, pour Calais seulement d’ailleurs. Les gens ne sont pas au courant, parce qu’il n’y a pas de communication sur ce sujet, parce qu’il n’y a pas d’implication et de concertation de la population non plus, alors qu’on sait que ce sont des enjeux majeurs, et que ce sont des enjeux qui ne sont pas faciles à aborder. Car on s’en va vers de la modification des habitudes, et de l’anticipation de choses et de manières de vivre personnellement et de construire le développement du secteur pour que vraiment on prenne en compte qu’il ne manque pas de s’aggraver.

Calais La Sociale
Il y a la question de la communication, mais n’y a-t-il pas aussi cette idée chez les gens que ce n’est pas à l’échelle locale que sera sauvé le climat ? 

Christian
Alors oui, moi qui suis un militant depuis un certain nombre d’années, c’est vrai que c’est une manière d’envisager les choses qui reste très courante, qui consiste à dire : “On va pas nous demander à nous, qui sommes les petits tout en bas, qui n’avons pas les clés pour modifier les choses, on va pas nous demander à nous de faire les efforts comme on le fait sur l’énergie actuellement. Il faudrait que ce soit à un niveau plus élevé, que vraiment on se sente entraînés, et voire même à un niveau où ce sont les plus gros pourvoyeurs de gaz à effet de serre qui devraient être concernés.”

Donc ça c’est une manière de penser qu’on rencontre assez souvent, et même encore maintenant. Donc, moi personnellement, je pense que les gens qui militent dans les associations se disent la même chose, ça ne vaut plus le coup de passer son temps à essayer de… d’abord de rejeter, car c’est quand même un peu ça, c’est rejeter la responsabilité de l’action sur les autres. Mais ça ne vaut peut-être plus le coup de dire qu’il faudrait faire autrement, ou qu’il faudrait que ce soit les autres qui fassent parce que, en fait, il faut agir chacun à son niveau. Et on peut.

« Il n’y a pas de raison de faire comme si ce changement climatique n’allait pas passer par Calais »

Et on disait que justement les gens voudraient que ça se passe un peu au-dessus. Mais justement ! Un plan climat, même au niveau d’une agglomération, ça peut déjà être ça. C’est-à-dire que, s’il y a un portage politique de la question globale, et qui en fait un outil vraiment majeur, avec une concertation, avec un partage avec la population, avec du débat public, avec tout ça. Pour entraîner les gens, à tous les niveaux, même au niveau des lieux d’enseignement, des associations, etc. Qu’il y ait vraiment un mouvement global sur cette question-là, et les gens vont s’y intéresser.

Parce qu’ils entendent ce qu’il se passe, à droite à gauche, sur la question climatique, et il n’y a pas de raison de faire comme si ce changement climatique n’allait pas passer par Calais, ou faire comme si la situation de Calais ou du Calaisis, et globalement d’ailleurs c’est même pas que le Calaisis, c’est aussi jusque Saint-Omer et jusque Dunkerque, c’est-à-dire l’ensemble du polder qui est sous le niveau des plus hautes mers.

Calais La Sociale
Tu peux rappeler ce que c’est un polder ? 

Christian
Un polder, c’est un territoire qui a été gagné sur la mer parce que la mer rentrait et sortait, parce que c’est un territoire relativement plat. Depuis 1000 ans, ce polder qui en gros correspond au triangle Calais-Dunkerque-Saint-Omer, a été gagné sur la mer car grâce au cordon littoral qui s’est installé au fur et à mesure, qui fait barrage à la mer. Et aussi depuis les installations des stations de pompage, montrent qu’il faut absolument préserver ce territoire. Il faut quand même rappeler qu’il y a près de 500 000 personnes qui y vivent, c’est-à-dire l’équivalent d’un département, qui vivent dans ce territoire triangulaire, le polder. Et donc ce polder a été gagné sur la mer, puisqu’on a contrôlé l’eau, avec les mille kilomètres de canaux et watergang. Du coup, ça libère des terres qui sont très riches pour la culture, et c’est ce qu’on a fait depuis 1000 ans. Aujourd’hui c’est un territoire qui est très occupé par les cultures et par l’urbanisation, mais qui est situé sous le niveau des plus hautes mers, déjà maintenant. Donc ça veut dire qu’il faut le préserver, faire attention. 

Calais La Sociale
Très concrètement, ça concerne quelle commune par exemple ? Qu’est-ce qui pourrait se passer ? 

Christian
Ce qui pourrait se passer, c’est qu’il devienne de plus en plus difficile de vider l’eau qui descend des hauteurs, de l’Artois, des collines, qui est de l’eau d’écoulement normal, mais quand il y a des pluies importantes, cette eau reste en surface. Et comme le terrain est extrêmement plat, c’est difficile de le faire s’écouler. Le système d’écoulement fait que, d’abord on l’a réparti sur tout le territoire pour que l’eau puisse quand même s’écouler vers la mer. Et ce qu’il pourrait se passer, c’est des inondations, concrètement. Il y a un risque d’inondations, qui se produisent déjà, de temps en temps, il n’y a pas longtemps il a plu énormément. Donc les systèmes de wateringues fonctionnent bien, mais on va devoir faire appel de plus en plus aux systèmes de pompes qui vident à la mer. Soit on la vide vraiment à la mer, soit on la garde et elle nous inonde quoi. Alors le système fonctionne bien. Mais il faut faire très attention à ça, et il faut justement mener conjointement des politiques qui tiennent compte de ça, et qui ne continuent pas justement de bétonner, d’artificialiser les terres sur un polder qui, on le sait, pour pouvoir bien intégrer les inondations qui sans doute se produiront, qu’il vaudrait mieux rendre le plus perméable possible. Toutes les communes sont concernées, toutes celles du polder, sauf celles qui sont déjà sur les hauteurs.

Calais La Sociale
Et sur tout ça, c’est avec le plan climat qu’on agit ? 

Christian
Alors le plan climat doit être un outil de communication de toutes ces données-là, de toutes ces questions-là, le plus simplement possible, j’espère que c’est ce que je parviens à faire, pour que les gens se rendent compte du fonctionnement du territoire sur lequel ils vivent, parce que tous ces éléments, ils les voient tous les jours, mais ils ne savent pas la plupart du temps, et très très majoritairement, ils ne savent pas comment fonctionne ce territoire. Ils ne savent pas qu’on pourrait facilement être inondé s’ il y avait un bug quelque part quoi. Donc ce qui est important c’est la communication là-dessus. Et ça jusqu’ici ça n’a pas existé. En tout cas pas sur Calais. Sur Dunkerque oui, mais pas sur Calais.

Donc nous, en tant qu’association, c’est ce qu’on essaye de faire sur cette question-là. Et globalement le plan climat, il devrait pouvoir utiliser toutes ces problématiques principalement pour la diffusion qui permet au gens de prendre en compte un fonctionnement que pour l’instant ils ne connaissent pas bien, et qu’ils en mesurent les enjeux pour le futur. À mon avis, au niveau du plan climat, c’est vraiment : fédérer les initiatives qui existent, les acteurs qui travaillent dans ce domaine là et puis surtout, vraiment descendre dans l’arène je dirais, porter politiquement au niveau de l’agglomération cette question là. Et puis descendre dans l’arène à toutes les occasions qu’on peut avoir pour essayer d’entraîner la population là-dessus, à la fois en tant qu’individu mais aussi en tant que collectif, entreprise, etc.


Entretien : Valentin De Poorter